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François Boucq et Nicolas Juncker, "Un général, des généraux" (Le Lombard) : 1958 en mode farce

©Boucq & Juncker/Le Lombard

François Boucq et Nicolas Juncker, "Un général, des généraux" (Le Lombard) : 1958 en mode farce

Historiquement rigoureux, narrativement caustiques, François Boucq et Nicolas Juncker retracent les quatre semaines pathétiques qui ont vu, en mai 1958, l'effondrement de la IVe République et le retour du général De Gaulle. Tirage à 40000 exemplaires.

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Par Fabrice Piault
Créé le 11.02.2022 à 11h30 ,
Mis à jour le 24.03.2022 à 17h30

Mai 1958, les faits sont connus : l'effondrement de la IVe République dont les gouvernements se sont succédé pendant des années en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, la guerre (on dit alors pudiquement les « événements ») d'Algérie dans l'impasse, les Français d'Algérie en rébellion par crainte de l'abandon par la métropole, des généraux qui créent le 13 mai un comité de salut public et n'obéissent plus, jusqu'au retour du général de Gaulle à la tête du gouvernement le 1er juin. Quatre semaines riches en péripéties, qui ont failli faire basculer la France dans l'inconnu.

Quatre semaines pathétiques aussi, dont Nicolas Juncker (au scénario) et François Boucq (dessin) font un roman rocambolesque en s'attachant aux figures peu glorieuses de leurs principaux acteurs, des généraux qui, d'Alger à Paris et à Colombey-les-deux-églises intriguent et manœuvrent avec plus ou moins de succès. À Alger, surfant sur l'ébullition dans la colonie, mais aussi dépassés par les événements, le commandant supérieur interarmées de l'Algérie, Raoul Salan, le chef de la 10division parachutiste, Jacques Massu, qui s'est illustré en 1957 dans la sanglante bataille d'Alger par des tortures et des assassinats aveugles, sont les plus ridicules. À Paris, le chef d'état-major Paul Ely, qui croit pouvoir maîtriser à la fois les politiciens de la IVe République et ses pairs à Alger, n'a plus prise sur grand-chose. Tandis qu'à Colombey, alors que ses soutiens travaillent pour lui, Charles de Gaulle attend simplement son heure : plus il y aura de pots cassés, moins il aura à se baisser pour les ramasser.

D'autres généraux, parfois pittoresques, souvent incompétents, traversent l'album : André Petit, André Dulac, Paul Aussaresses, Lionel Chassin, Maurice Challe, André Martin, entre autres. On y croise aussi forcément les hommes politiques de l'époque comme Guy Mollet, Pierre Pflimlin, Jacques Soustelle ou François Mitterrand, qui en prennent tous pour leur grade. Le trait caractéristique de François Boucq, sa calligraphie aussi, contribuent bien sûr beaucoup à faire ressortir avec un humour grinçant l'aberration des situations, l'absurdité des décisions. Mais le plus stupéfiant, le plus édifiant en somme de cette séquence calamiteuse émerge tout simplement, presque naturellement, de la minutieuse juxtaposition chronologique des faits rassemblés et mis en scène par les auteurs.

François Boucq et Nicolas Juncker
Un général, des généraux
Le Lombard
Tirage: 40 000 ex.
Prix: 22,50 € ; 177 p.
ISBN: 9782808201223

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