Quand il apprend le décès de Charles Morgan, « le dernier esprit universel de sa génération », selon la nécrologie qu'il découvre dans le journal, c'est le choc. Morgan était dans la force de l'âge, en tout cas en bonne santé pour son âge, 66 ans, bref, mort trop tôt, d'une rupture d'anévrisme. Pour le narrateur du Gardien de Doon Arbus, le Dr Morgan était bien plus qu'un « chimiste, auteur, philosophe et collectionneur » de renom. C'est l'homme qui donna un sens à l'incohérence de sa vie quand il était jeune. En lisant son magnum opus, Stuff, « sur le charisme des objets », l'étudiant d'alors fit l'expérience d'une troublante gémellité : « La proximité entre la psyché de l'écrivain et la sienne était telle qu'il lui semblait souvent qu'une phrase écrite sur la page et l'écho qu'elle rencontrait dans son esprit avaient éclos simultanément [...] »
Aussi l'admirateur de Morgan postule-t-il à l'emploi de gardien de la fondation de l'éponyme collectionneur. Désormais affublé du costume de feu son maître à penser, il prend au pied de la lettre sa mission de conservation de l'œuvre du mort. Il guide les visiteurs du musée dans un parcours dialectique et les plonge, et nous avec, dans sa vertigineuse obsession des choses. Doon Arbus, en digne héritière de sa mère Diane, partage avec la photographe un goût pour les portraits idiosyncrasiques. Elle capte ici la personnalité de l'excentrique, pas en moments figés comme l'eût fait l'œil maternel, mais par le truchement d'un récit d'une sinuosité inquiète, et non sans une pointe de malicieuse ironie.
Le gardien Traduit de l’anglais (États-Unis) par Christian Garcin
Rivages
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 118 € ; 176 p.
ISBN: 9782743654948