Comme souvent dans les romans noirs, il faut lire le prologue. Lequel nous reporte en 1693, en Laponie, au moment où Aslak, l'un des derniers chamans samis, grand maître du joïk, le chant sacré ancestral, est brûlé vif pour hérésie par un pasteur luthérien fanatique. Après cela, la culture de son peuple va continuer de se transmettre clandestinement au fur et à mesure que les Scandinaves du "sud" progressent vers le Grand Nord et, colonisant les terres, bouleversent le mode de vie des indigènes, fondé sur l'élevage des rennes.
Trois siècles plus tard, dans la Norvège actuelle, cet antagonisme entre la civilisation samie (le mot "lapon" plus commun pour nous est péjoratif) et le monde "moderne" perdure, en dépit d'une tentative de réhabilitation communautariste engendrant tensions, racisme et extrémisme nationaliste.
Car ce sont bien des crimes sanglants qui vont déclencher l'enquête menée par Klemet, le seul policier lapon de Norvège, assisté de Nina, une stagiaire venue d'Oslo, passionnée par le Grand Nord. Tous deux appartiennent à la police des rennes, chargée de maintenir l'ordre dans un univers et une communauté rudes. Des gens qui proclament que "la moelle de renne, c'est le Viagra du Lapon", et dont certains castrent encore leurs bêtes avec les dents ne sont pas faciles à gérer...
D'abord Mattis, fils de chaman et éleveur alcoolo, est retrouvé mort. Puis, un tambour sami hautement symbolique est volé au musée de Kautokeino, celui-là même qui venait de lui être offert par un ancien compagnon de l'explorateur Paul-Emile Victor. Visiblement, quelqu'un en veut aux Lapons. Et ce n'est pas la police "officielle" qui va faire grand-chose, dirigée par l'inspecteur Rolf, venu du sud, qui méprise les autochtones et les verrait disparaître tous sans déplaisir. Il y a aussi le pasteur, toujours un fanatique, qui éradiquerait bien définitivement toute trace d'animisme chez ses ouailles. Enfin, quel rôle joue dans cette affaire André Racagnal, un Français, soi-disant géologue prospecteur ?
On laissera à Klemet et à Nina le soin de nous révéler les secrets qui font de cet ethno-polar polaire et politique, premier roman d'Olivier Truc, un journaliste spécialiste des pays Baltes et de la Scandinavie, un roman aussi original que ténébreux.