En avril dernier, l’annonce de la fermeture des quatre librairies Attitude (ou @ttitude), implantées dans le Tarn depuis plus d’une décennie, avait créé une véritable onde de choc au sein du paysage culturel local. Or, depuis le 11 septembre, trois d’entre elles situées à Lavaur, Graulhet et Gaillac ont rouvert leurs portes sous le nom Les Ailes du Papillon, sous la houlette d’un nouveau gérant, Yannis Casse.
Originaire de Toulouse, le nouveau patron s’est installé dans le Tarn avec sa famille en 2019. Lorsque les librairies Attitude ont commencé à rencontrer des difficultés économiques, Sarah Lagier, épouse de l’ancien gérant, Yves Lagier, et « cousine au cinquième degré » de Yannis Casse, lui a proposé de reprendre l’affaire.
« Voir les habitants du Tarn privés de ces librairies m’a profondément touché »
« Voir les habitants du Tarn privés de ces librairies m’a profondément touché. Certes, c’était un pari risqué, mais la librairie est un secteur qui me tient vraiment à cœur. Entre septembre et avril 2025, j’ai donc pris le temps d’étudier le dossier en détail. À cette époque, il était clair que racheter l’ensemble de l’actif et du passif m’aurait conduit droit dans le mur. La librairie d’Albi mettait dans le rouge l’ensemble du réseau en raison d’un emplacement compliqué et d’un trafic en nette baisse », explique-t-il.
Ce n’est qu’en avril dernier, lorsque les quatre magasins ont été placés en liquidation judiciaire, que Yannis Casse a finalement pu reprendre la main sur l’affaire. Il a alors choisi de ne conserver que trois des quatre enseignes, ainsi que l’entrepôt logistique de Saint-Sulpice, qui centralise et redistribue les commandes vers chacun des magasins.
Une reprise qui n’a pas été de tout repos. « Ce n’est jamais simple de reprendre des magasins en liquidation. Il faut convaincre les banques, renégocier les contrats des employés, relancer les fournisseurs, revoir les contrats et les baux avec les propriétaires… Bref, tout remettre au carré et resserrer les boulons », détaille Yannis Casse.
La reprise de librairie, un véritable sport d’équipe
Pour mener à bien le projet, le nouveau gérant a néanmoins pu s’appuyer sur une véritable synergie avec les équipes historiques, toutes maintenues à leur poste (soit huit personnes à temps plein). « Nous avons travaillé et pris les décisions ensemble tout au long du processus », précise-t-il, saluant des libraires « très enthousiastes, avec une connaissance quasi encyclopédique de leur métier ».

Désormais, chaque librairie est parfaitement autonome dans ses choix de commandes, à partir d’une enveloppe budgétaire prédéfinie. Un mode de fonctionnement radicalement différent de l’ancien système, où une seule libraire passait les commandes par genre pour l’ensemble des magasins, obligeant les autres salariées à découvrir l’offre éditoriale en défaisant les cartons.
Assurer la « stabilité de l’édifice »
Grâce à ce rapport de confiance mutuel, les libraires se sont également beaucoup investies dans le renouvellement de l’identité des magasins. Durant le mois d’août, elles n’ont pas hésité à retrousser leurs manches, maniant pinceaux et scies pour repeindre les enseignes et fabriquer de nouvelles étagères. « Nous avons aussi remplacé le mobilier », complète Yannis Casse.
Le nouveau patron a également pu compter sur le soutien financier et les conseils de l’Adelc et du Centre national du livre (CNL), tous deux convaincus de l’importance de ces établissements dans le tissu local. « Leur aide a été particulièrement précieuse. Sans eux, il aurait été difficile d’aller au bout de cette reprise. J’ai beaucoup voyagé dans ma vie, et je n’ai jamais vu un autre pays que la France doté d’un réseau de librairies aussi dense et aussi soutenu par les institutions », souligne-t-il.
S’il reste encore quelques ajustements à effectuer — relancer le site et les newsletters, ou encore décrocher un contrat de filière pour moderniser le matériel informatique —, la réouverture des trois librairies a été accueillie avec enthousiasme par les habitants de Lavaur, Graulhet et Gaillac, très attachés à ces lieux de culture.
Pour Yannis Casse et ses équipes, l’enjeu est désormais d’assurer « la stabilité de l’édifice pour les années à venir ». Mais aussi de s’épanouir et de s’ancrer localement, en offrant aux lecteurs des espaces dynamiques, ponctués d’événements et de rencontres.