Qui était-elle ? Une amie ? Une disciple ? Pire, une courtisane venue abonder au denier du culte de la reine mère ? Une lointaine cousine que l'on retrouve avec plaisir et une troublante familiarité ? Peut-être juste une lectrice (une lectrice juste...), allez savoir. Oui, qui était-elle Colette Fellous, si ce n'est un peu tout cela lorsque, dans ces années 1980 finissantes, elle rendait visite à Marguerite Duras en son sombre appartement parisien de la rue Saint-Benoît ou aux Roches Noires à Trouville ou dans sa maison de Neauphle-le-Château ?

C'est aussi pour répondre à cette question - car parler de l'autre c'est aussi dire quelque chose de soi - que Colette Fellous a écrit Le petit foulard de -Marguerite D. Ce petit livre (par la taille, s'entend) est un précis merveilleusement juste d'admiration. C'est-à-dire, nécessairement, de tendresse. C'est celle-ci qui saisit le lecteur à la lecture de ce « temps retrouvé » où le crépuscule d'une vie vient croiser l'assomption magnifique d'une œuvre. Colette vient voir Marguerite qui regarde Colette. Ça n'a l'air de rien, mais il faut à cela, de part et d'autre, une vraie humanité, une attention réelle portée au monde. À cette époque-là, Marguerite Duras vient de publier Emily L., texte que la journaliste et écrivaine considère d'emblée comme son plus beau, peut-être. Elle le lui dit, l'autre l'entend, en accepte l'augure et divague tout de même vers le petit foulard en soie léopard que porte son interlocutrice. Elle avait eu le même assure-t-elle. Colette Fellous va alors lui en offrir un, qui deviendra un objet transitionnel scellant leur amitié. Il y aura aussi un échange de stylos ; il y aura surtout la présence forte et furtive à la fois de Yann Andréa, l'écho de promenades nocturnes en voiture, la mer qui sur la côte normande ne se laisse jamais oublier, l'histoire d'une amante anglaise, l'alcool qui rôde... Un jour, Jean-Luc Godard se laisse convaincre de venir rue Saint-Benoît pour discuter avec Duras devant les caméras de la télévision. Une autre fois, de voyage au Vietnam, Colette Fellous visite la supposée maison de L'amant devenue lieu de mémoire. Temps suspendu, temps retrouvé, tout est bien.