Japonaise vivant à Montréal depuis 1991, écrivant en français, Aki Shimazaki a publié, depuis 1999, deux "pentalogies" romanesques thématiques : Le poids des secrets, sur des histoires de familles qui marquent plusieurs générations, et Au cœur du Yamato, consacrée à l’influence de la sphère professionnelle sur la vie privée. Avec Azami, elle inaugure un nouveau cycle, centré autour de l’intimité amoureuse de ses personnages.
En caractères traditionnels kanji, hérités du chinois et qui servent aux Japonais notamment à écrire leurs noms, Mitsuo signifie "l’homme satisfait". A juste titre, apparemment. A 36 ans, Mitsuo Kawano est rédacteur dans une revue culturelle de Nagoya, en attendant de créer la sienne. Son épouse, Atsuko, le soutient dans ce rêve, tout en s’occupant de leurs deux enfants, et en se lançant, à partir de la maison de campagne qu’elle a héritée de ses parents, dans l’agriculture biologique. Ça lui plaît, et ça marche. Atsuko est une sorte de femme idéale. Ils se sont connus à l’école, sont mariés depuis huit ans et semblent heureux. Seule ombre au tableau : depuis sa seconde grossesse, sa femme refuse tout rapport sexuel. Le couple, comme nombre d’autres, est sexless. Afin de satisfaire ses besoins de mâle dans toute sa vigueur, Mitsuo se rend donc dans des "pink salons" non loin de son bureau, où il s’offre les services d’une entraîneuse, puis, parfois, d’une prostituée.
Un jour, dans un bar, Mitsuo tombe par hasard sur un type, Gorô Kida, lui aussi un ancien condisciple d’école, avec qui il n’avait aucun atome crochu. Kida a hérité de l’entreprise de spiritueux familiale, c’est un parvenu vulgaire, dévergondé, manipulateur voire pervers. Mais il pourrait passer de la publicité dans la revue. Mitsuo est donc prié de le fréquenter. Par son entremise, puisqu’il passe ses soirées dans des bars et des bordels, Mitsuo retrouve Mitsuko, son premier grand amour de jeunesse. Aussi belle que mystérieuse, elle est serveuse dans un café, entraîneuse dans un autre. Le lien d’autrefois se renoue entre eux. Ils deviennent amants. Mais Atsuko finit par l’apprendre. Mitsuo va-t-il prendre le risque de faire exploser son mariage, sa famille, de divorcer ? Ou bien la raison l’emportera-t-elle sur la passion ?
On laissera à Aki Shimazaki le plaisir de dévoiler, à un lecteur sous le charme, la fin de ce court roman tout en finesse, pudeur et délicatesse. Tout en nuances : l’amour est exaltant, mais il a aussi des épines. Azami, le surnom de Mitsuko, signifie "chardon". J.-C. P.