Si on retrouve des têtes d'affiche des lettres anglophones, comme Gabriel Tallent et Jodi Picoult ou encore Julian Barnes chez Stock, ainsi que Arundhati Roy et Anna Hope chez Gallimard, les lecteurs pourront aussi découvrir les nouveaux romans du Britannico-Hongrois David Szalay, lauréat du Booker Prize 2025 avec Chair, ou encore du Suisse d'expression allemande Martin Suter avec L'amour et la fureur (traduit par Olivier Mannoni, Phébus).
Les maisons sont par ailleurs nombreuses à valoriser de jeunes talents. Robert Laffont parie sur la primo-romancière Genevieve Kingston avec Comment te dire ? (trad. Hélène Cohen), l'histoire d'une petite fille qui apprend qu'elle va devoir vivre sans sa mère, tandis qu'Albin Michel mise sur l'Italienne Federica Manzon avec Retour à Trieste (trad. Laura Brignon). L'Irlandais Oisín McKenna débarque quant à lui avec Lundi, c'est loin (trad. Olivier Deparis, L'Olivier) qui prend le pouls de Londres et de notre époque le temps d'un été caniculaire.
Ces voix nouvelles viennent aussi de zones linguistiques moins représentées. Belfond publie L'ivresse de la violence, premier roman du Hongrois Gábor Zoltán (trad. Thomas Sulmon) qui conte le règne sanguinaire des Croix-Fléchées, ces milices fascistes alliées de l'envahisseur nazi, sur Budapest. Le Bruit du monde traduit pour sa part l'autrice bulgare Joanna Elmy, avec Porter la faute (trad. Marie Vrinat). Révélé par Guéorgui Gospodinov, ce roman en cours de traduction dans une vingtaine de pays suit Yana, une jeune Bulgare née après la chute du Mur et venue tenter sa chance aux États-Unis.
Du nouveau à l'Est
De façon assez marquée, cette rentrée regarde en effet vers l'Est, immergeant le lecteur dans l'époque soviétique et post-soviétique. Lauréat en Allemagne du prix Hermann Hesse 2022, Tout doit être splendide, de Sasha Marianna Salzmann (trad. Jeffrey Trehudic, Bourgois) entremêle les destins de deux mères et deux filles, des petites villes balnéaires soviétiques à la scène queer contemporaine de Berlin. Multiprimé outre-Rhin, Les jeux heureux de l'enfance, de Charlotte Gneuss (trad. Rose Labourie, Les Argonautes) évoque la jeunesse sous surveillance dans la RDA des années 1970.
Rebattant les cartes de la géopolitique mondiale, la guerre en Ukraine fait par ailleurs irruption sur la scène littéraire. Avec Comme il est bon de ne pas craindre la mort (trad. Laurent Nunez, L'Observatoire), la journaliste américaine Lara Marlowe explore la réalité brutale du conflit à travers la biographie de Yulia Mykytenko, militaire ukrainienne et militante de l'ONG Femmes vétérans.
La rentrée étrangère fait son cinéma
Parmi les voix de l'Est qui peuplent cette rentrée, celle de l'écrivaine russe Maria Stepanova est attendue avec L'art de disparaître (trad. Anne Coldefy-Faucard, Stock), un roman sur l'exil. Citons encore Urszula Honek, grand nom de la littérature polonaise contemporaine, qui dresse dans Les nuits blanches (trad. Maryla Laurent, Grasset) le portrait d'une campagne aux prises avec la pauvreté. Dans Vorace (trad. Lydia Waleryszak, Noir sur blanc), Małgorzata Lebda nous embarque, elle, dans les moyennes montagnes du sud de la Pologne. Figure montante des lettres tchèques, Martin Harnicek revient aux Monts Métallifères avec Albin (trad. Benoît Meunier) dans lequel il imagine une société fasciste qui tue les gens à 50 ans.
Ère trumpiste
D'autres littératures sont mises en lumière, avec plusieurs romans d'Europe du Nord. Dans Je suis la mer (trad. Françoise Sule, Rivages), l'autrice d'origine samie Elin Anna Labba évoque la disparition programmée d'un paysage et d'une culture au nom du progrès. Enfance et forêt sont inextricablement liées dans Matara du Finnois Matias Riikonen (trad. Claire Saint-Germain, Les Léonides), et dans Les enfants de la forêt aux rennes, de l'Islandaise Kristin Omarsdottir (trad. Jean-Christophe Salaün, Zulma) qui porte un regard lyrique sur l'absurdité de la guerre et les mystères de l'enfance.
La politique contemporaine occupe aussi les romanciers étrangers. Avec American Spirits (trad. Pierre Furlan), recueil de nouvelles posthume tiré à 14 000 copies par Actes Sud, Russell Banks déplie trois histoires dans l'Amérique de Trump. Mêlant légende et humour, l'auteur italien Stefano Massini retrace dans Donald (trad. Nathalie Bauer, Globe) le parcours du président américain. C'est encore l'ère trumpiste qui sert de toile de fond à Clown ! (trad. Cédric Weis, Mercure de France), de Kristen Arnett. Elle pose une loupe sur le conservatisme de l'Amérique à travers l'histoire de Cherry, aspirante clown professionnelle. De son côté Lionel Shriver livre avec Hystérie collective (trad. Catherine Gibert, Belfond) un récit se déroulant dans une Amérique alternative – qui fait toutefois écho à l'actualité récente – où le tout-puissant mouvement pour la Parité Mentale assure que la stupidité n'existe pas.
Plus au Sud, Patrícia Melo dépeint dans Ceux qui ne sont rien (trad. Élodie Dupau, Buchet-Chastel), véritable Les misérables à la brésilienne, la vie des invisibles dans la jungle urbaine de São Paulo sous Bolsonaro.
Formes brèves
Les dominations d'une classe sociale, d'un genre, ou d'une race sur les autres sont autant de biais analysés par les littératures d'Amérique latine, argentine notamment. Ainsi, dans La télépathie nationale (trad. Margot Nguyen-Béraud, Cherche Midi), Roque Larraquy livre un récit à l'humour corrosif qui montre comment une élite peut dépouiller quelque chose de tout son potentiel révolutionnaire. Après Histoire d'une domestication, Camila Sosa Villada fait se croiser dans le recueil Je suis une idiote de t'aimer (trad. Laura Alcoba, Métailié) des héroïnes déterminées à faire face à la violence qui leur est imposée.
L'écrivaine n'est pas la seule à se prêter au genre de la nouvelle. Après le remarqué Chiennes de garde, Dahlia de la Cerda revient aux Éditions du sous-sol avec Mexico Médée (trad. Lise Belperron). Tiré à 10 000 exemplaires, ce recueil se compose de six nouvelles dénonçant la violence du crime organisé et celle de l'armée. Comparé aux œuvres de Carmen Maria Machado et de Mariana Enríquez, Chaque goutte est un cauchemar pour l'homme de Megan Kamalei Kakimoto (trad. Valentine Leÿs, éditions du Typhon) a des allures de veillée autour d'un feu à Hawaï, où se croisent des héroïnes complexées, des créatures vengeresses, et des pères défaillants. Des nouvelles aux romans fleuve, cette rentrée contentera les envies d'échappée fugace comme celles de longues soirées lecture au cœur de l'hiver.
