La narratrice, fraîche docteure ès lettres, a été brutalement quittée par Paola, sa compagne depuis douze ans et se lance dans un Après l’amour conquérant. Chronique hardie de liaisons saphiques, le premier roman d’Agnès Vannouvong, qui dédie son livre à l’écrivain Gilles Leroy publié dans la même maison, investit avec une énergie frontale et très tonique un territoire dont on ne souvient pas qu’il ait été souvent exploré par les romanciers avec autant de franchise et de vigueur (avec mention spéciale toutefois pour L’amour d’une femme de Claudine Galea) : la jouissance entre femmes, le désir au féminin pluriel. En réalité, il raconte d’abord le désir tout court : le manque, les stratégies de survie post-rupture. Celle de la narratrice est offensive - « Je me laisse glisser et, déjà, je construis ma défaite ». Et la contre-offensive sera physique. Ne pas laisser au vide le temps de respirer, combler l’absence avec tout ce qui se présente. Partir en chasse. La voilà inscrite sur un site de rencontres où elle se « transforme en commerciale du cul ». Elle tombe sur Edwige, la Versaillaise sous pseudo « Vodka pomme », puis Garance la danseuse de Saint-Ouen, pas assez « tout-terrain » et plaquée assez vite après un séjour à Rome… D’autres corps suivront, avec Paola en point de comparaison.
Le roman trouve surtout sa singularité dans la dimension sociologique et politique qui irrigue souterrainement les trajectoires amoureuses. Son rythme vif, son lyrisme rude, qui associe sexe et sentiments, ses jugements, ses portraits parfois expéditifs, donne l’accès décodé à un Lesbos peuplé, comme les autres mondes, de « célibataires niveau avancé » et de couples qui cherchent à « s’aimer jusqu’à la retraite », mais aussi de « bébés inséminés, nés, sans drame et sans père ». Une traversée utile, ces temps-ci. V. R.