Après un premier livre remarqué, Le roman de Boddah (Fayard, 2013, à paraître en Pocket), où elle s’attachait au couple tragique Kurt Cobain-Courtney Love, Héloïse Guay de Bellissen poursuit son exploration de la psyché américaine dans ce qu’elle a généré de plus extrême, de plus déviant. Elle a choisi cette fois des garçons, Mark David Chapman et John Hinckley, deux pauvres types, deux paumés comme l’Oncle Sam en laisse pas mal sur le bord de ses highways, qui vont devenir des meurtriers. L’un est tristement célèbre pour avoir abattu John Lennon, à New York, le 8 décembre 1980. Quelques mois plus tard, l’autre tirait à bout portant sur Ronald Reagan - qui en a réchappé. Fatalitas.
En donnant la parole à chacun, la romancière explore leurs névroses, et essaie de mettre en lumière ce qui les réunit. Tous deux sont nés en 1955 dans la middle class. Ils ont connu une enfance "à problèmes" qu’ils ont sublimée dans la passion pathologique. Mark pour les Beatles, dont il reprochait à Lennon d’avoir trahi les idéaux pour se faire de l’argent, l’autre pour Jodie Foster. Et dans la lecture de L’attrape-cœurs : Caufield, d’ailleurs, est le troisième intervenant de ce roman choral, en rogne contre son créateur, Salinger, qui l’a laissé ado et orphelin depuis si longtemps. Le quatrième, c’est l’Amérique elle-même, mum’ qui se demande ce qu’elle a bien pu faire à Dieu pour avoir des rejetons pareils.
Habilement construit, écrit dans un style "parlé chic", porté par un souffle démythificateur, la forme choisie pour ce roman était un peu une gageure. Original, malin, il donne envie de réécouter Instant karma. J.-C. P.