Une centaine de professionnels ont assisté au forum de la Société des gens de lettres qui s'est déroulé les 13 et 14 octobre sur le thème des « enjeux de la gestion collective pour l'écrit ». Une rencontre qui s'impose désormais comme un rendez-vous annuel important et témoigne de relations nettement plus sereines entre auteurs et éditeurs, tenus de trouver ensemble des solutions face à la multiplication des droits à l'ère du numérique. Il a d'ailleurs été décidé de créer un « observatoire des pratiques » entre les deux parties dont la première réunion aura lieu en novembre.
La gestion collective est d'actualité, d'une part parce qu'une « directive cadre sur la gestion collective des droits » est en train de se préparer à Bruxelles, pas forcément bienveillante - dit-on - pour ce type de sociétés. D'autre part parce qu'il est question en France de procéder à la numérisation en masse des livres indisponibles et encore sous droit (évalués à 400 000) et de confier la gestion de cette « zone grise » à une société comme la Sofia (droit de prêt, copie privée) ou le CFC (photocopie, scan) (1).
Mais la mise en oeuvre de cette gestion collective pose manifestement encore de nombreuses questions et difficultés juridiques, techniques et commerciales, « comme par exemple celle de l'établissement du constat d'indisponibilité », a précisé le président du Syndicat national de l'édition, Antoine Gallimard, lors d'un dialogue à la tribune avec le président de la SGDL Jean-Claude Bologne.
« La relation entre l'auteur et l'éditeur reste pour moi, avant toute chose, une affaire privée, d'ordre contractuel, a encore souligné Antoine Gallimard, qui n'a pas pour objectif de s'exposer sur la place publique. » Si l'éditeur de la rue Sébastien-Bottin estime que la gestion collective paritaire obligatoire est adaptée à « la mise au jour de la zone grise », il a insisté sur le fait que ce projet « a une portée essentiellement patrimoniale et politique », ajoutant « qu'il n'a de sens que si l'Etat s'y engage significativement (...) et qu'il s'inscrit non en termes de rendement financier immédiat mais bien pour son caractère exemplaire au titre de la présence patrimoniale française sur les réseaux ».
Tout comme les auteurs, le ministère de la Culture est nettement plus impliqué que les éditeurs dans cette affaire. Venu clore le forum le jeudi après-midi, Frédéric Mitterrand a fait un discours très diplomate en rendant hommage à la gestion individuelle - « la relation contractuelle entre un éditeur et son auteur doit continuer à prévaloir, du moins en ce qui concerne les droits primaires sur l'oeuvre » - tout en faisant un ardent plaidoyer pour la gestion collective qui est sous le contrôle, a-t-il rappelé, de son ministère. « L'accès aux oeuvres en toute sécurité juridique constitue aujourd'hui un défi primordial et, face à la multiplicité des usagers et des oeuvres, la gestion collective offre des solutions. »
Pour le ministre, la gestion collective pourrait ne pas concerner seulement les oeuvres indisponibles. « Elle constitue, au-delà, un point d'appui pour le développement d'une offre légale attractive que nous appelons tous de nos voeux », a-t-il précisé. « D'autres prolongements de la gestion collective sont aujourd'hui envisageables pour le livre, sur la base d'une évolution de notre Code de la propriété intellectuelle. On peut évoquer les utilisations numériques des oeuvres à des fins pédagogiques. »
Dans son intervention à la tribune, Antoine Gallimard, lui, avait estimé que « l'extension d'un tel dispositif à l'exploitation de toutes les oeuvres sous droits dans le cadre d'offres groupées auprès des bibliothèques » n'est pas pertinente pour le moment. « Quant à l'idée d'une gestion collective paritaire pour l'exploitation traditionnelle du livre imprimé, je dois vous dire toute ma réticence », a-t-il précisé à la tribune. « Je crois que le moment n'est pas du tout venu de remettre en cause les éléments fondamentaux de notre métier. »
(1) Voir « A la recherche de l'oeuvre indisponible », LH 836 du 8 octobre 2010, p. 30.