La crise économique a bon dos. Elle est là, qui justifie une partie des bégaiements du marché du livre. C'est bien à cause d'elle que le panier moyen et la fréquentation des librairies ont connu l'an dernier des niveaux particulièrement bas. A cause d'elle aussi que l'activité est plus erratique que jamais. Et peut-être grâce à elle que les consommateurs ont eu - on ne s'en plaindra pas ! - largement recours au livre, fût-ce parfois au format poche, pour leurs cadeaux de Noël en cette période de vaches maigres. Mais elle n'explique pas tout.
Elle n'explique pas, par exemple, pourquoi le tassement des ventes dans le commerce de détail ne provoque pas plus ou moins mécaniquement une embellie de la fréquentation des bibliothèques, comme le montre notre enquête cette semaine. Ni pourquoi la prescription a reculé à l'université au point que, pour la préparation des concours administratifs en particulier, l'ouvrage tout-en-un est le plus demandé, ainsi que le rappelle une libraire bordelaise. Elle n'explique pas non plus l'inexorable recul de la cohorte des "gros lecteurs" (20 livres et plus par an) mis en lumière par les études successives sur les pratiques culturelles des Français : elle ne représentait plus en 2008 que 16 % de la population, contre 28 % trente-cinq ans plus tôt.
C'est dire l'enjeu des prochaines élections présidentielle et législatives pour le livre, son avenir et sa position dans les champs culturel, éducatif et scientifique. Pour la part qui les concerne, les bibliothécaires le disent : le recul des prêts peut être contré par la modernisation du réseau de lecture publique, l'élargissement des horaires d'ouverture, des efforts de communication et des animations dans et hors les murs. Un volontarisme qu'on souhaiterait voir revendiqué et étendu à l'ensemble de la chaîne du livre par tous les candidats. Dans l'intérêt de la société tout entière.