Hier, à Demmin. « Dans l'obscurité, Demmin c'est pas exactement Disneyland. À la clarté du jour non plus, d'ailleurs... » tant cette ville allemande est en proie à des démons ineffaçables. Il suffit de plonger dans son histoire oubliée pour se retrouver littéralement dans le noir. Mais qui se souvient encore de cet épisode refoulé ? Née des décennies après la Seconde Guerre mondiale, Verena Kessler le revisite dans son premier roman. Cette jeune trentenaire y confronte deux générations que tout oppose. Mme Dohlberg, une femme âgée, s'apprête bon gré, mal gré à entrer dans un EHPAD. Sa voisine, Larissa, alias Larry, est une jeune fille en pleine crise d'adolescence. « Quand on est enfant, on croit que tout est possible. Le truc, c'est de ne jamais arrêter. » Mais la vie se charge quelquefois de briser ce mythe. Un point commun partagé par les deux protagonistes qui ne font que s'observer mutuellement, sans jamais vraiment se rencontrer. « Enfant, je rêvais d'être une sorcière », se souvient Larry. Mais depuis, elle a évolué et souhaite ardemment devenir correspondante de guerre. Fascinée par ceux qui flirtent avec le danger et les limites, elle tient surtout à fuir son quotidien, gouverné par l'ennui. D'autant que son existence familiale est pesante. Autrefois, un drame a fissuré sa famille. Son père étant parti quand elle était bébé, elle se retrouve dans un tête-à-tête étouffant avec sa mère et ses amants. Heureusement qu'il y a les amis. « Je peux résister et c'est bien de cela qu'il s'agit, résister. Quand on sait résister, on n'a rien à craindre. » Ce n'est pas le cas de Mme Dohlberg, trop envahie par des souvenirs pesants. Plus elle range ses affaires, plus le passé lui saute au visage. « La maison était pleine. Une vie entière, dans les tiroirs, les armoires. » Que s'y cache-t-il réellement ? Hantée par l'Histoire, Verena Kessler s'empare d'une tragédie individuelle et collective. Celle de la ville de Demmin, en 1945. Livrée en pâture à l'Armée rouge, elle a subi les pires exactions. Pour y échapper, une partie de la population a opté pour le suicide. « On ne choisit pas souvent le moment de son départ » estime Mme Dohlberg, assaillie par ce drame et le poids de la culpabilité. Comment s'évader ?