La vie de Karl Geary a tout d’un conte moderne. Né à Dublin en 1972, ce quadra a pris le large pour rejoindre les Etats-Unis à l’âge de 16 ans. Il y décroche le sésame de la carte verte lors d’une loterie. Son physique de tombeur le conduit à être mannequin, puis acteur. Après avoir créé une scène musicale branchée, à New York, il s’impose comme scénariste. L’écriture le conduit à un premier roman, sous la forme de retour aux sources.
Son jeune héros irlandais, Sonny, grandit dans une ambiance morose à la Ken Loach. Confrontée à la pauvreté, sa famille se compose d’un père parasitaire et d’une mère écrasée par les soucis. "Tu avais souvent imaginé la sauver, mais à l’évidence tu avais abandonné l’idée d’être son héros." L’adolescent n’a pas beaucoup d’échappatoires. Un job à la boucherie et sa relation houleuse avec Sharon constituent son quotidien.
L’ennui est contrebalancé par les tensions sexuelles qui s’éveillent en lui. Elles trouvent leur apogée face à Vera, une solitaire. Alors qu’il effectue des petits boulots chez elle, il s’ouvre à un nouvel univers. Celui de la littérature et de la culture. "Les livres n’étaient pas pour les garçons qui découpaient de la viande." Tout comme Vera, ils vont pourtant lui donner un goût d’inédit. Un autre possible nommé Amour - or cette femme lui échappe toujours.
"Nous sommes des serre-livres, toi et moi. Tu penses à l’avenir. Moi je pense au passé…" Quelles sont ses plaies ? La langue râpée et populaire de Geary accentue l’âpreté d’une réalité sociale et intime, qui n’a rien de romantique. Plus qu’un roman d’amour, c’est l’histoire d’une mue imprévue. K. E.