On la surnomme "la Simone de Beauvoir du Japon". Sawako Ariyoshi défend la condition des femmes dans la famille et dans la société. Un engagement que cette auteure, disparue en 1984, a longuement déployé à travers son œuvre théâtrale et romanesque. Les dames de Kimoto s’inscrit parfaitement dans cet esprit. Best-seller dans son pays, il est réédité aujourd’hui en France. "Dans l’art des parfums, on parlait d’entendre un parfum plutôt que de le sentir", rappelle Sawako Ariyoshi, avec laquelle on pénètre un univers d’ombre et de lumière, au son d’un froissement de kimono, comme si tout fonctionnait au ralenti.
Toyono ressemble à un tableau immuable. Cette figure matriarcale incarne la femme parfaite et discrète. Gardienne des traditions anciennes, elle place tous ses espoirs en Hana, sa petite-fille adorée. La famille japonaise est a priori régie par des règles strictes, mais cette héroïne instruite a bénéficié d’une éducation égalitaire. Une situation assez inédite dans une culture où les hommes sont jugés nettement supérieurs. Mais le mariage restant une priorité absolue, Hana est unie à un garçon de bonne famille. "Elle-même n’avait droit qu’au silence pour exprimer sa gêne ou son plaisir : c’était le lot des femmes." Soit une vie pleine de lois et d’interdits, exigeant un sens permanent du sacrifice.
La jeune fille se plie malgré elle à une belle-mère intransigeante et à un mari dévoré par ses ambitions politiques. Tandis que sa grand-mère rend son dernier soupir, elle donne naissance à une petite Fumio. C’est elle la vraie rebelle de la famille. Incorrigible, elle fait fi de toutes les règles imposées à son rang. Une attitude qui n’est pas pour plaire à sa mère. Leur relation conflictuelle ne l’empêche pas de partir à Tokyo. Une voie vers l’émancipation, qui coïncide avec celle d’une société en pleine mutation.
Née en 1931, l’écrivaine aimait scruter l’évolution de son pays, pour donner une épaisseur plus réaliste à ses personnages. Celui de Fumio évolue au fil des pages, de sa maternité et de ses voyages. Elle, qui rêve de faire de ses enfants des adultes des temps modernes, doit pourtant se confronter à son passé. A l’heure où les cerisiers japonais sont en fleur, ces multiples générations veilleront à la réconciliation. K. E.