Roman/France 19 août Hervé Bel

Elle est « belle, très belle, et elle le sait. Vingt-quatre ans, grande, une poitrine généreuse qui sait se tenir. Des hanches larges. Un corps à aimer, un visage à adorer, un visage inspirant tantôt la sensualité, tantôt la poésie. Blonde, des yeux bleus [...]. » Erika est la parfaite nazie : non seulement ses traits correspondent aux canons de la beauté « aryenne » tels que définis par Adolf Hitler, mais elle épouse en bloc les idées du Führer. Pologne, janvier 1945, les Russes pénètrent les lignes du front oriental, c'est le début de la fin pour le Troisième Reich, la « race des seigneurs » ne verra pas se réaliser son rêve de règne millénaire. Erika Sattler, l'héroïne éponyme du nouveau roman d'Hervé Bel, ne peut y croire. Elle croit encore dur comme fer à cet idéal qui l'avait poussée, adolescente, à rejoindre les jeunesses hitlériennes.

L'épouse du SS en poste dans ce coin de Pologne où est sise une usine d'armement allemande doit fuir devant l'avancée de l'Armée rouge. De Paul, son mari elle n'a aucune nouvelle. Est-il mort ? Fait prisonnier ? Mais dans le train qui exfiltre ses compatriotes de cette zone dangereuse, elle ne pense pas à Paul, c'est la chaleur du vigoureux corps de Gerd qu'elle voudrait garder en elle malgré le froid. Le beau Gerd, son amant, officier SS lui aussi, qu'elle avait croisé des années auparavant. Il était à l'époque le fiancé de son amie Liselotte, elle s'était rabattue sur Paul Sattler. Il lui fallait la présence d'un mâle, et surtout échapper à son milieu de paysans bigots bavarois. Plus d'église, à mort le christianisme, cette religion des faibles ! Vive la foi en une nouvelle société, guidée par Hitler, purifiée, régénérée, marchant tel un seul homme, plein de sève, aux muscles bandés, éprouvant sa force dans la jouissance de la domination.

Ces fantasmes érotico-politiques hantent Erika. Ils font tenir au delà de la défaite cette femme qui ne ressent rien hors l'image qu'elle a d'elle-même et de sa propre vie. La protagoniste de la dernière fiction de l'auteur de La nuit de Vojd (JC Lattès, 2010) est l'incarnation de la banalité du mal théorisée par Hannah Arendt. Mais ce n'est pas un fonctionnaire falot exécutant machinalement des ordres génocidaires, mais une blonde pulpeuse, narcissique et assez sotte, leurrée comme tout un peuple par le pervers miroir aux alouettes du surhomme. C'est là que se situe toute l'originalité de ces pages.

Hervé Bel
Erika Sattler
Stock
Tirage: NC
Prix: 20,90 euros ; 342 p.
ISBN: 9782234086401

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