Christian Salmon est connu pour avoir fondé et animé le Parlement international des écrivains pendant vingt ans, de 1993 à 2003, et pour être l’auteur de Storytelling (La Découverte, 2007), un livre de référence sur la communication politique dans lequel il montre comment les histoires sont utilisées comme outils de contrôle des pouvoirs.
Nous de sommes pas si éloignés de ces deux territoires - l’histoire et le pouvoir - avec ce Jacob Blumkine (1900-1929) qui fut successivement révolutionnaire, assassin, bolchevique, agent de la Tchéka, espion de la Guépéou, trotskiste et aventurier. Son principal exploit reste l’exécution de l’ambassadeur d’Allemagne en Russie soviétique en 1918, en représailles aux accords de Brest-Litovsk. Pour satisfaire les Allemands, les bolcheviks annoncent l’élimination de Blumkine qui, discrètement exfiltré, entre au service de Trotski… Avec une existence si bien remplie, cet homme exubérant ne pouvait finir que fusillé sur ordre de Staline après l’expulsion de Trotski.
Christian Salmon propose une enquête qui se lit comme un roman d’espionnage, mais un roman vrai où l’on croise Mandelstam, Maïakovski et Victor Serge. Il s’est rendu en Russie, en Ukraine, à Istanbul, pour comprendre ce Juif d’Odessa happé par la violence politique, ce "Lord Jim bolchevique", héros, terroriste et poète mort à 29 ans. Si le but est bien de séparer la réalité de la légende, la promesse avouée ne fait pas de doute. C’est toujours un peu de soi que l’on cherche quand on se renseigne sur un personnage comme celui-là. L. L.