Le 20 août 2008, le corps de Tony Duvert était retrouvé dans sa petite maison de Thoré-la-Rochette, une commune du Loir-et-Cher. Sa mort remontait à plusieurs semaines : alertés par le courrier débordant de sa boîte aux lettres, une voisine avait fini par donner l’alerte. Triste épilogue solitaire pour un écrivain, ancien poulain de l’écurie Minuit dont le P-DG d’alors, Jérôme Lindon lui avait même confié, au début des années 1970, la direction de la revue maison) et prix Médicis 1973 pour Paysage de fantaisie.
En 2010, Gilles Sebhan avait consacré, chez Denoël, un premier livre émouvant à Tony Duvert, L’enfantsilencieux. Il avait dû se contenter de peu, la plupart des portes s’étant fermées à lui. Autres temps, autres mœurs : encensé dans ses années de jeunesse, qui étaient celles de la libération sexuelle affichée - la critique, au moment de son Médicis, avait notamment parlé de "saine subversion" -, Tony Duvert, pédophile avéré, était devenu, depuis, un pestiféré, qui avait d’ailleurs cessé de publier dans les années 1980. Mais, après coup, la qualité du travail de Gilles Sebhan a eu raison des nombreuses réticences. Il y avait tant à dire sur Duvert.
Encouragé de divers côtés, Gilles Sebhan s’est donc remis à l’ouvrage. Et, cette fois, des portes se sont entrouvertes, même celle du très discret Jean-Pierre Tison, ancien chroniqueur littéraire de RTL, qui fut l’un des amis les plus fidèles de Duvert. De manière inexcusable en revanche, les éditions de Minuit, elles, ont persisté dans leur refus de communiquer la volumineuse - et sans doute savoureuse - correspondance qui a perduré, des années durant, entre l’écrivain et Jérôme Lindon. Gilles Sebhan n’en réussit pas moins à retracer avec une relative précision le parcours déroutant d’un jeune homme surdoué, qui aspirait à beaucoup, avant de se recroqueviller dans la dépression récurrente, l’alcool, le repli sur soi et la fermeture au monde.
La lecture de ce Retour à Duvert s’impose à quiconque est interpellé par la question de l’articulation entre l’œuvre d’un écrivain - et Tony Duvert fut un grand écrivain - et l’enveloppe de chair et de conventions sociales qui le compose, ou avec laquelle il doit composer. Daniel Garcia
