Roman/France 4 janvier Laurence Teper

Un cadenas sur le cœur est une enquête sur un secret de famille. Plutôt sur des secrets enchâssés les uns dans les autres. Le premier livre de l'éditrice Laurence Teper, qui fut à la tête des éditions portant son nom de 2003 à 2009, raconte l'histoire de Claire, née en 1963, de sa vie construite sur un mensonge inaugural et la découverte chemin faisant d'autres dissimulations, d'autres travestissements. Ce long processus d'élucidation commence par des souvenirs d'enfance dans les années 1970, sur une plage de Charente-Maritime. Tous les mois d'août pendant quinze ans, sur ce même bord de mer, deux familles passent leurs vacances ensemble, celle de Claire, les Meunier, et les Coquillaud, deux enfants d'un côté, six de l'autre. Monsieur Coquillaud est le fondateur de la compagnie d'assurance dans laquelle la mère de Claire est directrice adjointe. A 25 ans, Claire est confrontée au secret de ses origines, à un doute qui va empoisonner pendant des années sa vie d'adulte, de femme, de fille et de mère. Au centre de l'énigme, il y a la mère de Claire, femme instable et sans tendresse, que son mari, homme simple et dominé, qualifie de « folle ». Un « paradoxe vivant » pour sa fille aînée enfant : « elle savait, sans même savoir comment elle savait, que sa mère était un château de cartes posé sur des sables mouvants ». 

Reconstitution de souvenirs fragmentés, interrogation des témoins, tests biologiques, immersion dans les archives historiques... Très longtemps l'impossibilité de Claire d'obtenir des réponses directes de la part des protagonistes principaux de son histoire, les fins de non-recevoir opposées à ses requêtes paraissent presque moins lourds à porter que le silence qu'elle s'impose à elle-même, en bonne élève, en fille docile, pour ne pas risquer de faire de dégâts collatéraux, prisonnière de la peur de blesser les siens, comme d'une double peine. Le récit déroule ainsi sur plus de quarante ans le destin d'apparence ordinaire d'une famille française de la deuxième moitié du XXe siècle : les grands-parents qui ont vécu les années 1940 et l'Occupation dans des provinces rurales (le Cher, le Poitou), et pour la génération suivante le désir d'ascension sociale, le complexe de classe à travers les mariages, les divorces, les naissances, les maladies et les morts prématurées, sur fond de mensonges. Laurence Teper avance chronologiquement dans ce drame en trois actes et un épilogue, en déroulant ses épisodes tragiques avec la sobriété un peu distante, le passé simple de narration d'un conte fatal, ne distillant d'autres leçons que la défense de la vérité contre les mensonges qui verrouillent les cœurs, menacent les corps. « Il y avait cette conviction en elle, indéracinable, que la vérité, même douloureuse, valait mieux que le mensonge, faussement protecteur. » Tout ne sera pas élucidé, il n'y aura pas de véritable réparation mais tout au long de ce chemin entamé sans esprit de vengeance, sans reproche, sans rancœur - « Je ne juge pas, je veux savoir, c'est tout. Je veux connaître la vérité », dit Claire à sa mère -, un élan vital libérateur. Celui d'une fille qui veut faire la lumière, qui cherche un éclaircissement et trouve une éclaircie. Et si à la fin elle constate qu'« aucun roman ne sera jamais aussi romanesque que la réalité dans cette histoire », elle a en tout cas trouvé la vérité romanesque. 

Laurence Teper
Un cadenas sur le cœur
Quidam éditeur
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 19 euros ; 196 p.
ISBN: 9782374910925

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