En décembre 1974, Moebius, Philippe Druillet, Jean-Pierre Dionnet et Bernard Farkas, figures emblématiques de la bande dessinée de science-fiction, se regroupent autour d’un projet d’ambition. Leur but : éditer des récits expérimentaux trop souvent boudés par les éditeurs. Les Humanoïdes associés sont nés.
Arrivée il y a sept mois, au poste de directrice générale de la maison d'édition, Marie Parisot se réjouit de fêter les 50 ans de cette aventure éditoriale hors norme : « Ce que je trouve intéressant dans cet anniversaire, c’est sa visée patrimoniale. La maison et ses histoires ont infusé nos créations contemporaines. Certains auteurs ont découvert très jeune Métal Hurlant. C'est enthousiasmant d’avoir ce pont entre les deux époques, sous le patronage de Jean-Pierre Dionnet, le rédacteur en chef historique ».
1975-1987 : la révolution SF des Humanoïdes associés
En janvier 1975 paraissait le premier numéro de Métal Hurlant. Initialement dédiée à la science-fiction, la revue trimestrielle d'une soixantaine de pages, compile alors des bandes dessinées d'auteurs ayant marqué leur génération entre 1975 et 1987. En parallèle de ces publications, Les Humanoïdes associés éditent les auteurs français qui prêtent leur plume à la revue comme Jacques Tardi, Enki Bilal, Chantal Montellier, mais aussi des bédéistes étrangers, comme François Schuiten ou Hugo Prat, auteur de Corto Maltese.
Avec Métal Hurlant, Les Humanoïdes associés s’imposent très vite comme un laboratoire d'idées. Les éditeurs y mettent en valeur une vision de la science-fiction qui ne cesse d'imprégner la pop culture. La revue, devenue mythique, s'impose comme une importante source d'inspiration, notamment dans le milieu du cinéma. Denis Villeneuve (Dune, 2021) ou encore Ridley Scott (Alien, 1979), ne cachent pas l'influence qu'à pu avoir Métal Hurlant dans leurs productions respectives.
50 ans plus tard : « Métal Hurlant est un réel incubateur de créations contemporaines »
Après un long cheminement éditorial, marqué notamment par une pause en 1987, Métal Hurlant renaît de ses cendres en 2021, sous la forme d’un mook soigné et étoffé de 300 pages. C’est un tournant pour ce monument de science-fiction qui cherche à se réinventer.
Métal Hurlant ouvre alors ses pages à de nouveaux noms, de nouvelles thématiques, traitant d'enjeux plus contemporains. Parmi les nouveaux arrivants, on compte notamment Ugo Bienvenu (Total, Denoël, 2021), Mathieu Bablet (Carbone et silicium, Ankama éditions, 2020) ou encore Jim Bishop (Les lettres perdues, Glénat, 2021).
De quoi positionner le titre comme « un réel incubateur de créations contemporaines », estime Marie Parisot. Pour justifier l'engouement des jeunes auteurs à participer à la revue, la directrice générale des Humanoïdes associés explique : « Son format de récits courts de 5 à 11 pages est une manière pour les auteurs de sortir de la tête de l'eau, de se concentrer sur des projets plus ludiques. Comics, manga, héritage de l'école des Gobelins, les nouveaux arrivants viennent avec une grande diversité d'inspirations auxquelles la revue devrait s'adapter ».
10 mois de célébrations, rythmés par des parutions inédites et variées
Pour célébrer les 50 ans, Les Humanoïdes associés déploient une série de parutions hommages appelées à rythmer la période allant de septembre 2024 à juin 2025. Alternant rééditions collector, mooks, numéro hors-série et posters dépliants, chaque publication illustrera, à sa manière, les cinq décennies de la maison d’édition.
Les éditeurs souhaitent tout d'abord republier certaines oeuvres emblématiques dans des versions collector (jaspage, toile, jaquette etc.). Paru le 2 octobre, l'intégrale Le Bibendum céleste de Nicolas de Crécy, a ouvert le bal. En tout, ce sont sept œuvres qui paraîtront dans l’année comme l’intégrale Arzach de Mobius (1976) ou encore l’intégrale Le monde d'Arkadi de Caza prévu pour novembre 2024.
Cinq « Opus Humano », sortes de recueils patrimoniaux de 300 pages, regrouperont également des récits et albums complets de la maison d’édition ainsi que des anecdotes et récits de créations. Sorti en septembre, le premier « Opus Humano » comprend notamment des créations d’Allias, Caza et Moebius. Le deuxième sortira en novembre pour une parution échelonnée en bimensuel.
La maison d'édition publie également des posters dépliants « Des lendemains qui hurlent ». Illustrés par des artistes contemporains au recto, ils proposent un verso rédigé qui se conçoit comme une frise reprenant les marqueurs culturels de l’époque. Ce format paraîtra tous les deux mois, alternant avec les parutions des différents Opus. Comme nous l'explique Marie Parisot, ces publications ne seront pas seulement dédiées à la bande dessinée : « Avec "Des lendemains qui hurlent", il y a une volonté de parler de l’ambiance culturelle et de l’époque. Le premier numéro, dédié à la décennie 1975-1985, cite Bérurier noir, groupe de punk iconique de la contre-culture de l’époque à l'image de Métal Hurlant. »
Le premier numéro, paru le 2 octobre, a été croqué par Julien Loïs. Il rend hommage à la décennie 1975-1985. Dans le deuxième numéro, prévu pour décembre 2024, Laurent Durieux réinterprète le travail d'Yves Chaland.
Enfin, un numéro hors-série spécial 50 ans de Métal Hurlant paraîtra en février 2025 avec deux couvertures alternatives signées Frederik Peeters et Laurent Durieux. Tout comme les Opus et les posters, ce numéro sera disponible dans les points de ventes habituels (kiosques, librairies).
Selon les éditeurs, les premiers numéros d'« Opus Humano » et « Des Lendemains qui hurlent » ont tous deux été imprimés à 20 000 exemplaires.
Retour vers le futur
Lorsqu'on interroge Marie Parisot sur l'avenir des Humanoïdes associés, cette dernière souligne une « émulation collective », menant notamment à de futurs partenariats. Elle évoque, par exemple, la potentialité d'un projet avec le Hellfest, célèbre festival de métal breton. La directrice générale souligne également l'émergence d'un nouveau lectorat, de plus en plus jeune et féminin, particulièrement actif sur la page Instagram.