Théoriquement situé dans le futur, mais un futur proche, voire très proche, le monde « terrible et beau » décrit par Eleanor Davis est bien le nôtre. Un monde marqué par l'urgence environnementale, où s'exacerbent les tensions à propos des atteintes à la démocratie, du recours aux armes chimiques ou du tropisme policier de l'État. L'auteure née en 1983, lauréate du prix Ignatz pour un essai graphique, L'art ? (Atrabile, 2018), enseignante en art séquentiel à l'université de Géorgie et militante du mouvement Occupy y campe une jeune femme écartelée. Hannah vit dans une caravane en marge de la ville avec son copain Johnny, baba cool plus porté sur le jardinage et la fumette que sur la construction de leur maison, et leur chien Gipsy. Elle est à la fois aide-soignante à domicile et très engagée dans un groupe d'activistes anarchistes et pacifistes. Surtout, elle est tenaillée par un profond désir d'enfant, mal perçu par ses camarades qui partagent une vision pessimiste de l'évolution du monde. Pas simple de tenir ensemble tous les morceaux de cette vie éclatée.
D'un trait parfois naïf, souvent sensuel et toujours efficace dans cette première œuvre de fiction au long cours, Eleanor Davis accompagne Hannah en montrant sans barguigner l'état des choses, qui tendent à se dégrader lentement mais sûrement dans tous les domaines. Johnny se perd dans la culture des petits pois et la fréquentation de Tyler, un jeune paramilitaire adepte des théories du complot, qu'Hannah exècre. La santé de Miss Phyllis, dont l'aide-soignante s'occupe, se détériore, et Hannah se fait matraquer dans une manifestation pour faire libérer un de ses camarades emprisonné. La jeune femme a cependant de l'énergie à revendre, et surtout ce désir d'enfant qui emporte tout au point de constituer, au-delà du réel, le rêve ou le fantasme d'un monde nouveau.
Un monde terrible et beau - Traduit de l'anglais (Éats-Unis) par Alice Marchand
Gallimard
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 18 € ; 152 p. en N & B
ISBN: 9782075139892