6 avril > Récit de voyage France > Pierre Notte

Entre le dramaturge Pierre Notte et le Japon, c’est déjà une vieille histoire. Il s’y est rendu pour la première fois en 2001, avec un Sébastien qui l’a quitté depuis. Ensuite, en 2006 (ou 2007 ?), avec Marie Notte, pour des récitals de chansons. Puis en 2010, épisode mystérieux, avec un certain A., et rupture douloureuse, apparemment. Enfin, en 2008, il était parti monter, avec certains de ses élèves, sa pièce Pour l’amour de Gérard Philipe. Occasion pour lui de découvrir un autre Tokyo, gay. Il y est enfin retourné en août-septembre 2015, toujours pour des raisons professionnelles, théâtrales, la mise en répétition puis les représentations d’une autre de ses pièces, Moi aussi je suis Catherine Deneuve. Télescopant un peu les époques (il avoue dès le début être fâché avec les dates et les chiffres, perdre aisément ses repères), Notte rassemble aujourd’hui en un récit ses impressions japonaises, sur un pays dont il dit : "Tout ici m’est étranger et impossible."

Le départ, déjà, est un crève-cœur. Pierre Notte laisse derrière lui à Paris Brice, son mari, lequel ne le rejoindra que trois semaines plus tard. Au passage, on décerne à ce lecteur de L’empire des signes de Barthes le prix de camaraderie : son Pierre se dépeint comme un anxieux, un angoissé, un dépressif qui se bourre de somnifères et d’anxiolytiques, un capricieux avec exigences de diva, un grand caractériel. D’ailleurs, dès que Brice, tant désiré, arrive enfin à Tokyo le 8 septembre, Pierre lui fait une crise, s’enfuit, avant de reprendre ses esprits. Si l’on s’attache à ces épisodes, c’est qu’ils occupent une large place dans le livre, lequel se présente comme une sorte de journal où tout tourne autour de l’auteur-narrateur. "Et moi", stipule le titre.

Ce qui frappe aussi, à la lecture, c’est son absence totale de curiosité pour la culture japonaise traditionnelle, pourtant l’une des plus fascinantes au monde. A un moment, Notte, non sans coquetterie, avoue être un très mauvais touriste, qui préfère les supermarchés Walmart aux musées. C’est son droit, et cela en fait un excellent observateur des mœurs des Tokyoïtes d’aujourd’hui. Ça lui fait aussi écrire quelques bêtises. Par exemple, à propos de l’épisode illustre des 47 rônin, qui se firent seppuku par fidélité à la parole donnée et à leur code de l’honneur, il résume ainsi le suicide rituel : "On plonge le sabre dans le bide, et on touille." Un barbare au Japon, mais qui en a rapporté un joli livre, très personnel. J.-C. P.

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