Ginette, la mère de Richard Kolinka, le batteur du groupe Téléphone rebaptisé Les Insus, a été déportée à Auschwitz. Elle avait 19 ans. Pendant huit mois, elle a vécu avec sa famille l’enfer de Birkenau. Comme Simone Veil ou Marceline Loridan-Ivens (Et tu n’es pas revenu, Grasset, 2015), elle faisait partie du convoi numéro 71. Elle a raconté sa vie dans les collèges et les lycées, pour lutter contre l’oubli, mais jamais dans un livre. Elle s’est finalement confiée à Philippe Dana qui en a tiré un récit simple, clair et émouvant comme cette grand-mère lumineuse de 90 ans.
La construction du livre, très didactique, rend cette histoire accessible au plus grand nombre, c’est-à-dire à tous ceux qui ne sont pas familiers de ce genre de témoignage. Le lien très fort de Ginette à son fils est aussi habilement exploité. Cela permet de mettre en avant un élément déterminant : la transmission.
Au fil des pages, après l’aveuglement des politiques face à la montée des extrémismes en Europe, on voit les choses se mettre en place pour Ginette Cherkasky, son nom de jeune fille, dans une France effondrée qui a choisi officiellement la voie de la collaboration : les lois antisémites, le port de l’étoile jaune, la dénonciation, l’arrestation, le départ pour "Pitchipoï" de la gare de Drancy le 13 avril 1944, le tatouage 78599, un autre monde.
Soixante et onze ans plus tard, cette mère d’un enfant du rock reste attachée à ses convictions. Elle vit toujours dans le même quartier parisien. Près de République. Laurent Lemire