Promesse d'amour. Certaines rencontres prennent la forme d'un choc, d'une évidence, d'une fièvre qui se répand dans tout le corps et fait vaciller l'esprit. Dans son troisième roman, l'écrivaine et musicienne Mathilde Forget fait le récit d'une telle histoire d'amour, dans laquelle de nombreux souvenirs d'enfance ressurgissent et s'entremêlent à des événements fictifs, des histoires que l'on se raconte à partir de ce qui arrive en réalité. « Contrairement à ce que l'on pourrait croire, écrire l'histoire c'est lui permettre de nous échapper. »
Edith, la narratrice, décrit le sentiment amoureux comme un état limite, le point de rencontre entre une joie intense et une peur infinie. C'est précisément ce qu'elle éprouve lorsqu'elle rencontre la fille aux cheveux bouclés dans un train de banlieue pour aller à Cergy : son cœur s'arrête un court instant. Leur relation prend son temps, les deux femmes dorment ensemble bien des fois avant d'oser se toucher. Un simple frottement de leurs genoux dans les transports, ou celui du bas de son ventre contre ses reins sur la moto, génère déjà chez elles une puissante émotion. Mais cet attachement éveille aussi une crainte impossible à contrôler : celle de perdre l'être aimé. À chaque fois que la fille aux cheveux bouclés disparaît de son champ de vision, Edith imagine qu'il lui arrive un accident et qu'elle en meure. « La première fois que j'imagine la mort des autres, j'ai huit ans », se souvient-elle. Cette année-là, sa mère avait été retrouvée morte au pied d'un château. Elle s'était faufilée dans les hautes tours de la bâtisse aux dernières heures d'ouverture du site, et s'était jetée depuis l'une des fenêtres.
Si cette histoire d'amour fait à Edith l'effet d'une éternité retrouvée, avec elle lui revient en mémoire tout un pan de son enfance. La jeune femme se replonge dans les traumatismes et les anecdotes d'alors : lorsqu'elle comprend qu'elle est attirée par les filles, mais qu'il ne faut pas le dire car seuls « les garçons avaient le droit d'être amoureux des filles » ; lorsqu'elle réalise que la barbe qu'elle forme sur son menton avec la mousse du bain n'est pas seulement un jeu qu'elle partage avec ses sœurs, mais une partie d'elle-même qu'elle entretient comme « une promesse d'amour » ; lorsqu'elle voit sa mère s'effondrer en larmes sur le volant de sa voiture en la déposant au judo, et que sa mort lui apparaît imminente.
Dans ce très beau texte, Mathilde Forget explore avec finesse et poésie tout ce qui nous engage dans une relation amoureuse, et montre à quel point celle-ci peut conduire à la réparation. « Je trouvais, en te rencontrant, la possibilité de rassasier mon besoin de consolation, la possibilité de sauver ma tête secrète de sa fureur et de son chagrin. »
Certaines fièvres échappent au mercure
l'Iconoclaste
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 18,50 € ; 176 p.
ISBN: 9782378805555
