Les initiatives de soutien des éditeurs et auteurs et les messages de solidarité des mangavores aux Japonais se sont multipliés depuis le séisme et le raz-de-marée qui ont frappé le pays le 11 mars, et leurs tragiques conséquences. Cependant, les échanges éditoriaux et commerciaux avec la France n'ont pas été perturbés. Seul Doki-Doki a renoncé à publier certaines nouvelles séries au second semestre : elles ont été décalées en 2012 pour un lancement plus serein. "Au Japon, il y a une très forte volonté de communiquer sur la poursuite du travail, et il s'agit de ne pas ajouter à la catastrophe naturelle des difficultés économiques », explique Stéphane Ferrand, chez Glénat. D'ailleurs, les éditeurs français n'osent plus évoquer la catastrophe avec leurs interlocuteurs japonais. "Le Japon ne parle pas de Fukushima, >constate Alain Kahn, chez Pika. C'est un sujet assez tabou."
L'industrie japonaise du livre a néanmoins été bouleversée par la catastrophe naturelle. Le marché de la prépublication des mangas dans la presse a été considérablement ralenti par les problèmes d'approvisionnement en papier et de diffusion. Du coup, les magazines se sont retrouvés en lecture gratuite sur Internet, alors que le secteur était déjà fragilisé avant la catastrophe, rapporte Grégoire Hellot, de Kurokawa. "Chaque année, les ventes s'érodent de 5 %, et on parle de tirages à 1,5 million !" Sur le plan créatif aussi, les mangakas risquent de ressentir le contre-coup de la tragédie. Auront-ils encore envie de créer des bandes dessinées divertissantes à un rythme effréné ? Jirô Taniguchi racontait dernièrement à l'AFP qu'il avait "songé à abandonner le métier". "Je n'ai pas encore le sentiment que je peux transformer en manga ce qui s'est passé dans les régions sinistrées, précisait-il. Je pense que cela changera peut-être et que j'aurai envie de l'exprimer à un moment." La production de mangas se trouvera probablement transformée, à l'image de la littérature "post-11 Septembre" aux Etats-Unis... quatre ou cinq ans après les attentats.