avant-portrait > Oyungerel Tsedevdamba

Elle est née l’année du cheval, symbole de force. Cette nuit-là, le village agricole de Tarialan, en Mongolie, voit surgir l’électricité. "Mon père m’a alors nommée Oyungerel, lumière de l’esprit." Plus tard, elle endort ses petits frères en inventant des histoires. Sa mère étant la directrice de son école, elle la prie de l’attendre tous les soirs à la bibliothèque - une mine. Cette activiste sociale et leader politique, promue par le Parti communiste, s’éteint prématurément. "Mais elle m’a clairement transmis le flambeau de l’engagement", souligne Oyungerel Tsedevdamba, qui le met en pratique après des études en Union soviétique et aux Etats-Unis. "J’ai aimé m’exposer à d’autres mondes et découvrir les droits civiques", dit-elle.

A quatre mains

De retour au pays, la jeune diplômée a 25 ans quand son pays accède à la démocratie. "Impossible de ne pas se laisser entraîner par ce mouvement." Elle rejoint le Parti démocratique et devient ministre de la Culture. Autre tournant : son mariage avec Jeffrey Falt, un avocat américain des droits de l’homme venu en Mongolie. Tous deux se consacrent à une ONG locale et écrivent des romans à quatre mains.

"Je fais partie de la première génération libre de Mongolie, mais je ne connaissais pas l’Histoire secrète de mon pays", observe Oyungerel Tsedevdamba. Du coup, elle la saisit à travers la littérature et les récits de sa grand-mère, double de son héroïne, Sendmaa. Celle-ci s’éprend avec passion d’un lama, Baasan. Un amour interdit qui conduit la jeune fille à épouser le frère du moine. Mais d’autres tourments vont les emporter…

Précaires droits de l’homme

En 1938, le gouvernement communiste, obéissant aux ordres de Moscou, déclenche une purge contre les bouddhistes qui décimera 10 % de la population mongole. Oyungerel Tsedevdamba travaille au Parlement lorsque, beaucoup plus tard, le pouvoir en place s’excuse pour ce génocide. "Il n’est toujours pas enseigné à l’école car le Parti communiste reste puissant, or je me suis promis de le transmettre à mes enfants", explique-t-elle.

Son roman rend hommage aux victimes et aux héros. Best-seller en Mongolie, il séduit les jeunes. "Je leur conseille de rester fidèles à eux-mêmes, malgré les dilemmes de l’existence. Optimiste, je pense qu’ils construiront le pays mieux que nous. Les droits de l’homme me semblent évidents, mais précaires. N’oublions pas d’y inclure l’amour, sinon la vie s’avère vide. J’espère être assez courageuse pour porter ces valeurs."

Kerenn Elkaïm

 

Le moine aux yeux verts de Oyungerel Tsedevdamba et Jeffrey L. Falt, Grasset. Traduit de l’anglais par Katalin Balogh et Philippe Bonnet. Prix : 23 euros, 573 p. Sortie : 20 octobre. ISBN : 978-2-246-85923-9

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