Des images plus simples et plus fortes, des noms d'auteurs agrandis, des quatrièmes de couverture allégées... La mode du poche est à la sobriété efficace et à la valorisation des auteurs. Les refontes des couvertures menées par les principaux éditeurs ces dernières années vont aussi toutes dans le sens d'un embellissement de l'objet, qui est désormais voué à durer. Directeur artistique de Flammarion et de J'ai lu, François Durkheim rappelle les fondamentaux : "Il faut créer des pièges à regard, pour être vus de loin dans un univers très fortement concurrentiel. On est plus petit que le grand format, donc il faut parler plus fort. » Depuis le début d'année, J'ai lu a renouvelé sa charte graphique après avoir fait réaliser une étude par un cabinet extérieur, qui a identifié un déficit de lisibilité des couvertures. Du coup, les auteurs sont remis en avant, noms et prénoms ensemble, avec une typographie bâton. Le titre est plus petit mais mobile pour se mêler à une image qui a été simplifiée. "Auparavant, le poche constituait surtout la marge bénéficiaire des groupes ; aujourd'hui c'est un livre à part entière, qui mérite autant d'attention que le grand format, souligne François Durkheim. Les lecteurs ont une relation affective très forte avec l'objet. Des images marquent des générations et, pour certains, c'est un peu la madeleine de Proust. » C'est pour cela que Le Livre de poche a repris les illustrations originales de Koenigsmark de Pierre Benoit, réédité pour les 50 ans de la mort de l'écrivain. "Ce titre était le numéro 1 du Livre de poche ! Nous avons fait des tests avec d'autres images, mais ça ne fonctionnait pas. Le livre était identifié à cette illustration », justifie la directrice de la maison, Cécile Boyer-Runge.
POP ET FLASH
>"Les éditeurs créent leur propre obsolescence. Nous créons notre contrainte et sommes obligés de refaire régulièrement les couvertures », estime Marie-Christine Conchon, P-DG d'Univers Poche. La nouvelle charte graphique de 10/18 réalisée par Rémi Pépin a été très vite adoptée par les libraires et les lecteurs (1). Ce qui pousse aussi à rapidement réimprimer le fonds avec les nouveaux codes. En mai, Folio passe "Folio 2 euros" dans les codes de la nouvelle charte qui a redynamisé l'ensemble de la marque poche de Gallimard depuis deux ans. "Nous avons travaillé des couleurs pop et flash, et nous faisons des zooms sur les images, comme la collection le fait sur les oeuvres en proposant des extraits », détaille Anne Lagarrigue, directrice artistique de Gallimard, qui revient sur le travail mené pour la nouvelle charte : "Il y a tellement de collections dans Folio qu'il ne fallait surtout pas être alambiqué, afin que la charte puisse s'adapter à toutes. Nous avons voulu être modernes, et durer : il ne s'agit pas d'en avoir marre au bout de six mois ! » Pour illustrer, elle privilégie les photos, "plus dans l'air du temps. Notre culture visuelle est aujourd'hui davantage dans l'immédiateté. De plus, le poche, à mes yeux, ce sont les jeunes : il faut accrocher leur regard, les intriguer. Les capter est un défi permanent ».
Reflets des politiques d'auteurs des éditeurs, des univers graphiques particuliers sont créés. Chez J'ai Lu, Nancy Huston et Véronique Ovaldé ont leur illustratrice attitrée : Delphine Dupuy pour la première et Anne-Lise Boutin pour la seconde. "Nous travaillons comme pour un casting », s'amuse François Durkheim. Le graphisme sert aussi à repositionner un auteur, à élargir son public. C'est l'objectif pour Danielle Steel ou Juliette Benzoni chez Pocket. "Nous avons envie de continuer à faire lire les mères, mais aussi envie de faire lire leurs filles, voire leurs petites-filles », lance Laurent Boudin, directeur éditorial.
Les matières sont elles aussi retravaillées. Pour ses 40 ans, Folio emballe ses éditions spéciales dans des jaquettes colorées avec vernis sélectif pour rendre une impression de sérigraphie. Folio policier s'est mis à la page avec un vernis mat. Car en poche aussi la matière des couvertures se travaille. Avec des limites : si les techniques sont plus accessibles, les éditeurs surveillent toujours leurs coûts.
(1) Voir "10-18 s'offre un lifting pour ses 50 ans", dans LH 890 du 16.12.2011, p. 45.