Le moins qu'on puisse dire, c'est que le deuxième été le plus chaud depuis 1900 ne l'a pas vraiment été en librairie. A moins qu'il ne l'ait trop été ? Les lecteurs ont en tout cas préféré limiter leurs visites dans des commerces pas toujours climatisés. Les ventes de livres s'affichent en retrait en juillet comme en août, où elles n'ont pas bénéficié cette année du coup de pouce de nouveaux programmes scolaires. Les libraires qualifient l'été 2018 de «
décevant », « médiocre » ou même « bizarre ». Pour autant, ils ne sont pas si malheureux. Principal motif de satisfaction : ils ont pu mesurer à de multiples occasions l'impact positif de leurs conseils sur leurs ventes.
« Nous ne sommes pas des victimes », souligne Pascal Thuot dans l'interview qu'il nous a accordée. Le directeur de Millepages, à Vincennes, l'une des plus importantes librairies indépendantes en région parisienne, incarne une génération de grands libraires qui se veulent maîtres de leurs choix et de leurs assortiments à une époque où ils doivent conjuguer forte production éditoriale et volatilité extrême du public. Il affiche sa foi dans une librairie qualitative qui « joue le rôle de tête chercheuse » et rayonne en portant au plus haut les ventes des « livres édités entre 1 500 et 4 000 exemplaires ».
Pour assumer cette mission, même les médias, à l'influence aléatoire, n'ont plus la cote parmi les libraires. Ceux-ci savent accompagner les passages d'auteurs à « La grande librairie » ou les critiques du Monde des livres et de Télérama en s'assurant de la disponibilité des titres, voire en les valorisant sur des tables ou en vitrine. Ils ont bien noté l'influence croissante de « Télématin » et de la presse quotidienne régionale sur la demande de leur clientèle. Mais ils font désormais plus confiance à leurs coups de cœur, à leur propre travail de sélection et de mise en avant des titres qu'ils jugent les plus forts pour doper leur activité. Un retournement de per-spective.