avant-portrait > Rebecca Mackenzie

Le paradis perdu de l’enfance constitue la matière première du premier roman de Rebecca Mackenzie comme dans de nombreuses premières œuvres littéraires. Mais il faut reconnaître au sien une improbable singularité. La jeune écrivaine n’a que quelques mois quand ses parents quittent l’Ecosse pour l’Asie. Petite fille rêveuse, elle grandit entre Bangkok, la jungle malaisienne et l’Inde. Son père, missionnaire, y est chargé de prêcher la bonne parole chrétienne. Son éducation s’effectue sous le signe de la religion. "L’écriture et la prière correspondent à une forme de dévotion", observe l’auteure trentenaire. Mais, ajoute-t-elle, "le Dieu de mon enfance est mort. Face à ce vide désolant, la création s’est imposée."

Gratitude

Rebecca MacKenzie se nourrit de son expérience asiatique atypique. "Je suis pleine de gratitude envers cette terre qui m’a ouvert les portes d’un autre monde, dit-elle. Il n’est pas toujours aisé d’explorer de nouvelles frontières, mais le spectre émotionnel d’un écrivain reflète de multiples couleurs. Mon identité biculturelle m’inspire, tout en aiguisant un goût pour l’inconnu." La vie rêvée d’Henrietta s’enracine dans les récits de missionnaires transmis par sa famille. "J’étais fascinée par ces aventures, même si aujourd’hui je suis plus nuancée quant à leur mission sacrée", avoue-t-elle. Curieuse de ce passé, elle se documente sur l’histoire des pionniers chrétiens, installés en Chine dans les années 1940. Tout comme elle, son héroïne, Etta, est la fille d’un couple venu répandre la foi dans les moindres recoins de l’empire du Milieu. C’est pourquoi elle est placée dans un internat anglais, où elle a du mal à s’adapter. Soucieuse d’attirer l’attention, elle se prend pour une prophétesse, masquant ainsi une détresse solitaire. "Ce type de milieu peut créer la confusion entre le pouvoir réel et le pouvoir illusoire de la religion. Espiègle, Etta n’a pas conscience des limites liées à la rigueur morale."

Ecouter son intuition

Les adultes ne sont pas mieux lotis lorsque la guerre s’invite dans cette bulle, perdue dans une nature luxuriante. L’arrivée des Japonais fait tout exploser. Elle réserve un sort cruel et inattendu aux pensionnaires de l’internat. Rebecca Mackenzie retrace à travers le regard des petits et des grands cette histoire méconnue qui "les oblige à grandir, tout en restant sincères envers eux-mêmes". La romancière est persuadée "qu’on doit écouter son intuition pour naviguer dans la vie". Son prochain livre se situera sur le même continent. "Comme quoi je reste britannique à l’extérieur et asiatique à l’intérieur !" Kerenn Elkaïm

Rebecca Mackenzie, La vie rêvée d’Henrietta, Denoël. Prix : 21 euros, 352 p., sortie : 4 novembre, ISBN : 978-2-207-12359-1.

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