Les agendas se noircissent, les voyages s'organisent, les rencontres avec libraires, journalistes et blogueurs s'accumulent : La rentrée littéraire étrangère 2022 sera l'occasion de retrouver bon nombre d'auteurs venus d'ailleurs. Absents des événements littéraires depuis l'irruption du Covid en mars 2020, ils s'étaient prêtés au jeu des visios, donnant lieu parfois à des moments drolatiques - On n'oubliera pas le flegme du Norvégien Karl Ove Knausgaard et le sourire de l'Espagnol Antonio Muñoz Molina lors du Zoom animé par Anne Garréta pour la proclamation des Médicis 2020.
Après une année 2021 en demi-teinte, encore ponctuée de restrictions sanitaires, 2022 est, de fait, celle des retrouvailles, des tables rondes bercées par les langues étrangères. Les présentations aux libraires ont, dès le mois de mai, servi d'avant-goût. Les professionnels ont écouté Colm Tóibín à Paris, venu défendre son nouveau roman Le -magicien (Grasset) tandis qu'Albin Michel a déroulé le tapis de rouge pour sa locomotive encensée par libraires et lecteurs, Viola Ardone, dont Le choix paraît le 17 août. Belfond a invité fin juin le Britannique Alexander Starritt quand Buchet-Chastel a accueilli la lauréate de l'International Booker Prize 2020 Marieke Lucas Rijneveld et Denoël son primoromancier star Caleb Azumah Nelson, lauréat du prix Costa pour Open Water.
En visite en septembre
Le mois de septembre verra défiler en France bon nombre de plumes étrangères. Au Livre sur la Place, à Nancy, Arturo Pérez-Reverte évoquera L'ombre de l'aigle (Le temps des cerises) quand Juan Gabriel Vásquez abordera Une rétrospective (Seuil). Chez Métailié, on se félicite du changement de vie du primoromancier Jarred McGinnis (Le lâche), désormais installé à Marseille et ainsi invité aux Correspondances de Manosque. Rachel Cusk (La dépendance, Gallimard) assurera elle aussi sa promotion : à Paris depuis fin 2021, elle se dit « réfugiée du Brexit ». Enjeu de Fayard, Amor Towles sera à Paris les 12 et 13 septembre tout comme la finaliste du Booker Prize 2021, Maria Stepanova (En mémoire de la mémoire, Stock), qui prolonge son séjour jusqu'au 17 septembre. Les lecteurs découvriront quelques hot books de la dernière foire de Francfort, particulièrement marquée par une génération puissante d'écrivains nordiques. L'Institut Suédois accueille le 8 septembre trois compatriotes : Jens Liljestrand et son roman phénomène traduit dans au moins 22 pays Et la forêt brûlera sous nos pas (Autrement), Ann-Helén Laestadius, lauréate du prix du livre de l'année en Suède pour Stöld (Robert Laffont) et Elin Cullhed avec Euphorie (l'Observatoire), auréolé du prestigieux prix August.
Le point d'orgue sera atteint le 22 septembre, jour de lancement à Vincennes (Val-de-Marne) de la 10e édition du Festival America, reporté en 2020 et annulé en 2021. Parmi les 70 écrivains invités, des stars de la rentrée 2021 comme Richard Ford ou Ta-Nehisi Coates et plusieurs poids lourds de cette saison tels Jonathan Franzen (Crossroads, l'Olivier) ou Russell Banks (Oh, Canada, Actes Sud) que l'on retrouve après une longue période d'absence.
Dix ans après le succès deRetour à Matterhorn, Karl Marlantes signe un monumental Faire bientôt éclater la guerre (Calmann-Levy, 864 pages). Une décennie s'est également écoulée entre le best-seller et lauréat du Femina étranger 2012, Certaines n'avaient jamais vu la mer (Phébus) de Julie Otsuka et sa nouvelle fiction, La ligne de nage (Gallimard). Ces deux derniers seront présents à Vincennes, fin septembre.
En parallèle, la rentrée littéraire accueille Hanya Yanagihara (Vers le paradis, Grasset) qui avait marqué les esprits en France comme à l'international avec Une vie comme les autres (Buchet-Chastel, 2018). Les scrupuleuses lectrices de Elle pourront, elles, redécouvrir leur finaliste 2018, Elizabeth Brundage (La table ronde). Saluée par le public français en 2015 pour Vie et mort de Sophie Stark (Autrement), Anna North propose Hors-la-loi, un western féministe à paraître chez Stock. Prix Pulitzer 2015, Anthony Doerr n'est pas moins attendu en août avec La cité des nuages et des oiseaux (Albin Michel). Quant à l'Espagnol Antonio Soler, prix Nadal 2004 pour Le chemin des Anglais, il retrouve le chemin des librairies françaises avec Sud (Rivages).
D'autres locomotives
Cette nouvelle saison sera aussi l'occasion de relire le premier roman de Tiffany McDaniel,L'été où tout a fondu, nouvellement traduit par François Happe chez Gallmeister. Bourgois régale les lecteurs de Toni Morrison avec une nouvelle inédite préfacée par Zadie Smith quand l'Olivier apaise la soif de lecture des fans de Sally Rooney : son troisième roman est attendu le 19 août. Autre locomotive de la rentrée, Anna Hope aux éditions Le Bruit du Monde. Julian Barnes reste fidèle au Mercure de France et le « Nobelisable » Mia Couto à Métailié. Arthaud retrouve la Cubaine Zoé Valdés tout comme Picquier la Japonaise Ito Ogawa et Viviane Hamy le Portugais Gonçalo Manuel Tavares. De même, le prix Strega 2015, Nicola Lagioia, signe un deuxième roman chez Flammarion à l'égal de la Jamaïquaine, Nicole Denis-Benn aux éditions de l'Aube et de Ricardo Romero chez Asphalte. La féministe Roxane Gay (Hunger, Denoël 2019) publie un roman choral chez Mémoire d'Encrier et Tessa Hadley s'essaie chez Bouquins.
La littérature de l'Est sera notamment incarnée par l'International Booker Prize 2015, Laszlo Krasznahorkai (Le baron Wenckheim est de retour, Cambourakis) et le Polonais Mikotaj Lozinski avec Stramer, première traduction en français à paraître chez Noir sur Blanc. Illustre personnalité des lettres en Espagne, l'académicien José Maria Merino est lui aussi traduit pour la première fois chez Faubourg Marigny (Le fleuve des souvenirs). Son homologue allemande, l'académicienne Jenny Erpenbeck, a confié la traduction en français de son roman Je vais, tu vas, ils vont à Fayard.
Retenue par les Médicis en 2020, la Catalane Eva Baltasar, maîtresse des romans cli-fi, signe un nouvel opus chez Verdier. Finaliste du prix Émile Guimet et sélectionné par le prix du Meilleur livre étranger 2020, l'Indien Prajwal Parajuly propose Aucune terre n'est la sienne chez Emmanuelle Collas quand l'Italien Giosuè Calaciura, très apprécié des libraires et finaliste du Femina étranger en 2019, brosse son portrait du Christ dans Je suis Jésus (Noir sur Blanc).
Flopée de découvertes
Quels nouveaux auteurs pourraient créer l'événement cette saison ? Plusieurs jeunes pousses américaines prometteuses comme le finaliste du Booker Prize 2020, Brandon Taylor (Real life, La croisée) ; le lauréat du Dylan Thomas Prize, Bryan Washington (Houston-Osaka, JC Lattès) ou Nathan Harris, 29 ans, coqueluche de Barack Obama et auteur de La douceur de l'eau (Philippe Rey). Mais aussi Leila Mottley, 19 ans et originaire d'Oakland (Californie), dont le premier roman Arpenter la nuit (Albin Michel) fait l'objet d'une sortie mondiale. La critique a unanimement salué le « debut novel » de la Britannique Coco Mellors, Cléôpatre et Frankestein, à paraître chez Anne Carrière. Globe lance deux succès critiques : l'Indienne Priya Hein et l'Argentine Belén López Peiró. Lauréate du prix de littérature de l'Union Européenne 2020, la Bosnienne Lana Bastasic signe La chasse au lapin chez Gaia après avoir cédé les droits en langue anglaise à Picador (Royaume-Uni) et Restless (États-Unis). Le jeune Catalan Pol Guasch, 25 ans, a lui aussi réussi à céder en langue anglaise son premier roman, Napalm en son cœur (La Croisée) : il sera publié chez Faber and Faber. L'éditeur polynésien Au Vent des Îles mise sur la Néo-zélandaise Becky Manawatu quand les éditions des Syrtes révèlent le trentenaire moscovite Grigori Sloujitel avec Les jours de Saveli, traduit dans dix langues et deuxième du grand prix littéraire Bolchaïa Kniga. Enfin, les Éditions du Typhon mettent en avant une grande dame des lettres néerlandaises, Dola de Jong, en proposant une traduction inédite des Désirs flous.
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