« Parfois, les priorités du monde des adultes m'échappent. » Comme bon nombre d'adolescents, le héros s'interroge sur son univers environnant. Sa famille semble aimante, mais brinquebalante. Difficile de décrire ce qu'il ne comprend pas vraiment. « Est-ce qu'elle est en forme Maman ? Un code pour masquer l'inquiétude et habiller notre honte familiale. » Une femme effacée par la dépression, qui la ronge chaque jour d'avantage. On ne mesure pas à quel point les proches sont atteints. Le protagoniste ne peut que constater : « Ma mère s'enfonce. Le malheur l'écrase. Je n'ai pas vu la chute... » Profondément désemparé, il absorbe cette ambiance pesante qui entrave son insouciance. « Je me sens inutile. Spectateur passif d'un désastre annoncé. » Pour ne pas sombrer, il s'accroche à la figure olympique de Pierre Quinon, athlète phare des années 1980. Le narrateur vit ses émotions par procuration, histoire de se prouver qu'on peut dépasser les limites, y compris celles de la gravité. « Sauter, c'est ta vie, ton oxygène, ta raison d'être. » Aussi s'empare-t-il de cette philosophie. « Tout seul dans ma chambre, je regardais le poster de Pierre. J'y cherchais une boussole, un encouragement. Pour faire preuve de courage, j'avais besoin de son aide. » Le perchiste devient sa référence, le modèle auquel il tire sa révérence tant il admire sa persévérance. « J'y pense tellement à mes champions. Mes préférés, ce ne sont pas les invincibles ; ce sont plutôt ceux qui doutent, qui ont des fragilités. » Avec Pierre Quinon, il est servi. Ce médaillé d'or a grandi parmi des parents encourageants, qui ont littéralement porté ses rêves et ses doutes. Mais l'athlète a du mal à supporter la pression sportive. L'étoile filante s'étiole en cumulant les blessures, les échecs et les déprimes. « À quoi tient la réussite ? À quoi tient la chute », se demande Renaud Dély dans ce texte poignant, pudique et intimiste, parfaitement construit. Journaliste et éditorialiste, il s'attache à traduire le monde dans « 28 minutes samedi » (Arte) ou sur « La matinale » de France Info. S'il grandit ici, au fil des pages, il tenait surtout à restituer « la vraie nature de cet être entier » et admiré, Pierre Quinon. Deux histoires en miroir, qui aspirent à une victoire sur soi.