Réinventer les processus de médiation Pourquoi les garçons décrochent plus que les filles Leur choix : la BD et les littératures de l'imaginaire

Réinventer les processus de médiation Pourquoi les garçons décrochent plus que les filles Leur choix : la BD et les littératures de l'imaginaire

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Par Cécilia Lacour
Créé le 01.06.2022 à 17h20

Sous la direction de Florence Eloy, six chercheurs et chercheuses se sont penchés sur la transmission culturelle à destination des enfants. Leur enquête s'intéresse aux nombreux processus de médiation, qu'ils soient institutionnels ou existant au sein des industries culturelles ou encore des familles. Elle souligne aussi les « réappropriations et ajustements permanents que les enfants effectuent par rapport aux cadrages qui leur sont proposés par les différents médiateurs » et « questionne la pertinence de frontières considérées parfois comme infranchissables ». La synthèse de leurs travaux a été publiée dans Comment la culture vient aux enfants : repenser les médiations (Ministère de la Culture/Presses de Science Po, janvier 2022).

À leur entrée dans l'adolescence vers 12 ans, les jeunes se détournent de la lecture. Mais comme le souligne l'étude « Les jeunes Français et la lecture » menée par le CNL et Ipsos, ce phénomène touche davantage les garçons que les filles. Pourquoi ? « Les explications sont nombreuses », estiment les sociologues Christine Détrez et Fanny Renard dans Le Français aujourd'hui : Genre, sexisme et féminisme (Armand Colin, 2008). En premier lieu : le poids des stéréotypes genrés selon lesquels une fille est « plus axée vers la sphère privée que les garçons ». Ces derniers sont davantage poussés par « l'action et monde extérieur », complète Christine Détrez dans l'article « Adolescents et lecture : une question de genre ? » (Lecture Jeune n° 120, 2006). La lecture serait alors une pratique féminine. « La lecture est surtout une affaire de filles, adolescentes ou pas », confirme Christine Détrez dans la Revue des politiques sociales et familiales (2017). En effet, dans la sphère familiale, qui conseille les adolescents et adolescentes sur leurs lectures ? Qui leur achète des livres ? Il s'agit très majoritairement de la mère, comme l'indique le rapport du CNL. Et la prescription en dehors du cercle familial passe aussi principalement par les filles ou les femmes. Les BookTubeurs sont par exemple surtout des BookTubeuses. Sans compter le poids « des injonctions scolaires et parascolaires véhiculées par un corps professionnel féminisé, qu'il s'agisse des enseignants ou des bibliothécaires... », note la sociologue Sylvie Octobre dans Les loisirs culturels des 6-14 ans (ministère de la Culture, DEPS, 2004). « Cette féminisation des prescripteurs/médiateurs de la lecture peut rendre difficile son appropriation par les garçons », continue-t-elle. Est-il alors possible d'inverser la tendance et d'éviter le décrochage des garçons à 12 ans ? Christine Détrez semble ne pas y croire. Selon elle, ce phénomène est appelé « à s'intensifier », notamment en raison de « l'orientation genrée [des filles] dans les formations littéraires et artistiques » toujours à l'œuvre dans les cursus scolaires.

Dans le cœur des jeunes, la bande dessinée reste le genre privilégié. Selon la dernière étude du Centre national du livre, 50 % des 7-19 ans placent le neuvième art au-dessus de toutes leurs autres lectures. Avec une prédilection, désormais connue, pour les mangas, que 40 % désignent comme leur type de livres préféré. Ils n'étaient que 23 % dans la précédente étude du CNL, en 2016. Les romans, eux, tous genres confondus, emportent les faveurs de 46 % des jeunes. Sans surprise, au vu de la production éditoriale de ces dernières années, la science-fiction et les « littératures de l'imaginaire » séduisent 50 % d'entre eux. Avec une prime particulière pour la dystopie. « Ce genre est devenu le véhicule des romans à dimension politique », constate le spécialiste Daniel Delbrassine, maître de conférences à l'université de Liège (Belgique).

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