BD/France 10 avril Timothé Le Boucher

Timothé Le Boucher a déjà manifesté dans Ces jours qui disparaissent (Glénat), l'un des albums remarqués de 2017 (1), son intérêt pour les troubles de l'identité et les méandres du cerveau. On le retrouve tel qu'en lui-même dans Le patient, avec aussi son dessin précis et fluide. Mais ce nouveau livre porte, sur près de 300 pages aux multiples résonances, ses obsessions dans un projet d'une tout autre ambition. Partant d'un fait divers à la fois atroce et banal - le massacre de toute une famille dans un pavillon de banlieue -, le jeune dessinateur, né en 1988, bâtit un thriller psychologique et scientifique d'une extrême sophistication.

Seul survivant du carnage en dépit de multiples coups de couteau, Pierre, un adolescent de 15 ans, se réveille sur un lit d'hôpital à 21 ans, après six ans dans un coma profond. Entre-temps, sa sœur Laura, possiblement l'auteure de cet assassinat groupé, s'est suicidée. L'enquête est close, mais Anna Kieffer, la psychologue spécialisée en criminologie et victimologie qui a suivi Laura après les événements, conserve des doutes sur sa culpabilité. Elle va proposer à Pierre d'entamer une thérapie pour l'aider à retrouver la mémoire et le goût à la vie, et éclaircir au passage les nombreuses zones d'ombre de l'affaire. Le jeune homme est obsédé et oppressé par un mystérieux personnage, une ombre noire qui vient le visiter dans son sommeil. Réminiscence de la soirée du massacre ou construction de l'esprit ?

Fascinés et séduits l'un par l'autre, oscillant entre le calcul et leurs pulsions, les deux protagonistes, patient et psychologue, vont se livrer dans un suspense croissant à un impressionnant jeu du chat et de la souris dans lequel Pierre et Anna sont tour à tour l'un et l'autre. D'autres personnages, qui gravitent autour de Pierre - infirmière, médecin, autres patients -, vont contribuer à rendre l'intrigue de plus en plus complexe. Loin de se dénouer, le mystère s'épaissit au fil des séances de thérapie qui font apparaître de multiples stratégies de manipulations. Le lecteur, plusieurs fois convaincu d'y voir enfin clair à la fin d'une séquence, se trouve déstabilisé dès la suivante. Il finit par y perdre son latin... et par en éprouver du plaisir.

(1) Voir notre avant-critique dans LH 1135, du 23.6.2017, p. 49.

Timothé Le Boucher
Le patient
Glénat
Tirage: 30 000 ex.
Prix: 25 € ; 296 p. en coul.
ISBN: 9782344028070

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