De quoi s’agit-il ? D’une "paralysie unilatérale progressive, plus ou moins étendue de nerfs crâniens par envahissement le plus souvent néoplasique de la base du crâne". Le syndrome de Garcin, donc, tel que défini par celui qui l’isola et lui donna son nom, le neurologue Raymond Garcin. De Jérôme, qui par licence poétique et filiale, intitule ainsi son dernier livre, Raymond était le grand-père. De sa famille, il fut aussi et peut-être surtout l’ultime représentant d’une tradition plusieurs fois séculaire de médecins et chirurgiens qui firent, à des titres médicaux divers, honneur à leur pays autant qu’à leur art.
Plus que jamais à l’aise dans la compagnie des spectres bienveillants de sa propre histoire, qui de La chute de cheval à Olivier (Gallimard, 1998 et 2011) lui ont valu quelques-uns de ses plus beaux livres, Jérôme Garcin poursuit là son entreprise délicate d’archéologie familiale. Se détachent de celle-ci les figures de ses deux grands-pères, Raymond, donc, et le pédopsychiatre Clément Launay, mais aussi de ceux, femmes, enfants, maisons, lesquelles furent pour le petit Jérôme celles de l’enfance, celles des premières lectures autant qu’une école du regard et qui accompagnèrent à leur manière la maïeutique et l’humanisme généreux qu’ils avaient en partage. L’écrivain tourmenté par les exigences de sa tâche ("Aventure paradoxale dans laquelle je me suis lancé : écrire sur les miens sans avoir la faculté d’en apprécier le génie, […] sacrifier au devoir de mémoire en risquant le faux pas, le diagnostic aléatoire") s’en acquitte en bon fils autant qu’en excellent journaliste. Ce sera comme si nulle affection (rarement le double sens de ce mot ne paraîtra aussi pertinent) ne lui était étrangère. Il est vrai qu’il n’est de chant plus beau qu’émis depuis son arbre, fût-il généalogique. La preuve. Olivier Mony