A Lyon (depuis janvier) Bordeaux (depuis octobre), Paris, Rennes, Saint-Lô, Flers…et bientôt à La Boussole de Saint-Dié-des-Vosges. De plus en plus de médiathèques proposent des instruments de musique en prêt. Pourquoi ? Comment ? Stanislas Chapel, animateur à l'innovante bibliothèque de Cherbourg, co-animera un atelier sur le sujet au Congrès annuel de l’Association pour la coopération des professionnels de l'information musicale (Acim), ces 13 et 14 mars. Et nous donne déjà quelques éléments de réponse.
Pourquoi proposer ce service ?
On propose déjà des disques, des partitions… il ne manquait plus que les instruments de musique. Cela arrive au bon moment avec la nécessité de contrer la baisse du prêt de CDs en bibliothèque et de dynamiser l’ensemble du secteur musical.
Comment avez-vous fait évoluer votre offre depuis le début, en 2015 ?
On a commencé avec une trentaine d’instruments, et on est aujourd’hui à une cinquantaine. On a de plus en plus de demandes en instruments électroniques, aux tonalités rap et RnB. On veut des instruments facilement accessibles, pour le grand public qui n’oserait pas franchir les portes d’un enseignement cadré.
Vous ne concurrencez pas les écoles de musique ?
On ne propose pas d’instruments qui demandent un enseignement de base avec un professeur, comme le violon. Notre position, c’est l’autodidaxie. L’apprentissage libre et autonome avec des méthodes musicales ou des tutoriels permet de briser le mur qu’il peut y avoir entre un instrument et une personne qui a peur de vraiment se lancer.
Cela se confirme dans les profils des intéressés : ceux qui empruntent le plus sont les jeunes retraités, qui ont rêvé toute leur vie de jouer d’un instrument, et les parents qui veulent que leur enfant teste plusieurs instruments avant de prendre des cours. Le troisième profil type, ce sont les musiciens qui pratiquent déjà et ont envie d’essayer un autre instrument.
Vous arrivez à toucher tous les publics ?
Pas les enfants : nous avons décidé de ne pas avoir d’instruments à leur taille. Idem pour ceux adaptés aux gauchers. Nous avons préféré élargir notre parc d’instruments pour le grand public plutôt que pour des niches. Un choix n’est jamais parfait.
Quels conseils donnez-vous aux médiathèques qui veulent se lancer ?
Je leur conseille de partir sur un budget « projet » plutôt que de ronger le budget dédié aux collections musicales ! C’est assez facile à négocier, les tutelles municipales, départementales, régionales voire les Drac sont conscientes d’un certain désert dans l’offre instrumentale.
L’idéal est de prévoir un ou des espaces de répétition, car les gens veulent souvent jouer ensemble. A Caen, ils ont un système de boîtier sur lequel tout le monde se branche pour s’entendre dans leurs casques.
Et comment convainquez-vous les bibliothécaires récalcitrants ?
Leur première crainte : « C’est fragile, ça coûte cher ». Mais ça ne coûte pas plus cher qu’un coffret DVDs ! Nous, on s’est fixé un plafond de 400€ par instrument. Côté fragilité, il faut protéger l’instrument dans une housse de qualité, et rassurer : les gens ont un respect pour l’instrument de musique, même quand le prêt est gratuit. En cas de dégâts, c’est leur assurance civile qui rembourse, mais nous n’en sommes jamais arrivés là. Le seul souci qu’on a eu depuis le début, c’est un homme qui a disparu, et on a fini par retrouver la guitare dans une ressourcerie !
Quelles difficultés les bibliothécaires peuvent-ils rencontrer ?
Savoir contrôler l’instrument avant et après le prêt. Il vaut peut-être mieux que ce soit fait par des bibliothécaires spécialisés, car certains collègues n’accrochent pas, même après des formations.
De bonnes idées de médiation ?
On manque de temps pour en faire, et ça marche très bien ainsi ! Mais c’est intéressant d’inviter des musiciens pour des ateliers où ils racontent comment ils créent. Comme pour les ateliers d’écriture, plonger le nez dans la boîte à outils permet de lever les barrières, de voir qu’écrire ou jouer, c’est faisable et que tout le monde peut devenir créateur.