Émoi, stupeur et tremblement accompagnent la publication des nouveaux chiffres de l'enquête PISA sur le niveau des élèves de 15 ans. Est-ce que les bibliothèques ne sont en rien concernées par ce résultat ? On peut bien sûr se réjouir de l'amélioration des compétences pour la compréhension de l'écrit et peut-être que les bibliothèques y ont contribué.

On aurait bien sûr envie de mieux savoir quelle est l'offre des bibliothèques dans les communes dans lesquelles les élèves français ont été évalués. On ne peut hélas pas le savoir mais ce serait pourtant intéressant. Est-ce qu'à milieu social constant, le type de services offerts par les bibliothèques intervient dans les performances des élèves ? Est-ce que les élèves familiers des bibliothèques obtiennent des scores supérieurs aux autres à milieu social constant ? A défaut d'avoir des réponses scientifiques à ces questions, on peut se risquer à certaines hypothèses et suggérer  des pistes par lesquelles les bibliothèques apportent (ou pourraient apporter) un soutien à la collectivité nationale dans l'amélioration de son classement.

Les résultats de PISA mettent en évidence l’accroissement des inégalités sociales entre les élèves. Ce constat désolant au pays où la République est vantée si souvent, conduit à souligner l'importance de la présence des bibliothèques dans les quartiers défavorisés. Il est crucial que les enfants de milieu populaire puissent accéder le plus facilement possible à des établissements de lecture publique dans lesquelles ils peuvent trouver un lieu où travailler, une ambiance favorable au travail scolaire et des adultes à même de les aider et pas seulement à propos de la lecture puisque le niveau en mathématiques explique à lui-seul le déclassement de la France. Cela suppose une certaine proximité géographique. Cette nécessité concerne à la fois les quartiers périphériques des grandes villes mais aussi les villes plus petites ainsi que les zones périurbaines vers lesquelles sont repoussées toujours plus loin les catégories populaires. Question : en quoi les politiques des BDP prennent-elles en compte ce service à rendre à ces populations ?

Il ne suffit pas que les élèves aient accès à des bibliothèques, il faut que le travail scolaire y soit possible voire même encouragé. Cela signifie qu'elles doivent proposer des espaces de travail (solitaires et en groupe) et que les devoirs scolaires ne soient pas perçus par les bibliothécaires comme une intrusion dans un univers pur de libre gratuité. Les analyses de Bourdieu et Passeron ont montré comment le plaisir gratuit des textes classiques était le fait des « héritiers » et constituait le meilleur garant de bons résultats scolaires. Il ne faudrait pas que les bibliothèques nuisent à la réussite scolaire des élèves de milieux populaires au nom d'une gratuité de la culture...

Le creusement des écarts entre élèves de milieux supérieurs et ceux de milieux populaires pose la question des modalités d'aide à ces derniers. Les élèves de milieu supérieurs (notamment enseignants) ont des parents à même de leur transmettre et de leur expliquer les codes propres au fonctionnement de l'Ecole. Ils trouvent aussi à la maison (ou par l'intermédiaire de cours particuliers) un soutien proprement scolaire que les parents de milieux populaires n'ont pas souvent le temps, les compétences et les moyens économiques d'offrir à leurs enfants. La bibliothèque peut constituer pour cela un formidable relais par des collections para-scolaires, par des ressources en ligne (à quand le bouquet de ressources para-scolaires en ligne et gratuites proposé par la Bnf ou la BPI à toutes les bibliothèques publiques?) voire par du soutien scolaire. Il est important et urgent de  procéder à des évaluations des initiatives mêlant bibliothèques et AFEV (Association de la Fondation Etudiante pour la Ville) qui se charge d'accompagner les élèves de milieux très défavorisés dans leur entrer dans l'écrit et plus largement dans les études.

Bien sûr ces résultats PISA encouragent aussi les équipements qui ont mis en place des initiatives favorables aux révisions dans les murs de la bibliothèque. Je pense par exemple au formidable travail de l'équipe de Vitry-sur-Seine qui accueille avec succès durant un mois (à cheval entre mai et juin) les élèves avec des horaires élargis en vue des révisions.
Le creusement de l'écart entre les filles et les garçons forme une évolution préoccupante comme le souligne J.-L. Auduc dans « PISA 2012 et la fracture sexuée : SOS garçons ! ». On sait que la féminisation de la fréquentation des bibliothèques s'opère dès la fin du primaire et se poursuit ensuite. Tout ce qui serait à même de conserver davantage le public des jeunes garçons constitue une aide. S'ils viennent pour jouer aux jeux-vidéos, regarder des vidéos sur Internet, lire certains titres de presse, etc. ils maintiendront le lien avec la bibliothèque et pourront passer à un usage scolaire le moment venu plus facilement que si la relation est interrompue depuis longtemps.

Cette liste non exhaustive de petits détails contribue à faire (ou non) de la bibliothèque un lieu favorable. C'est de cette façon que cette institution peut apporter sa contribution à l'amélioration du score PISA et plus largement rendre service aux élèves et à leurs familles.