Philippe Meirieu- Photo DR

Pour la lecture, "rien ne remplacera jamais la forme du livre et du codex", estime Phillipe Meirieu, qui se défend d'émettre là "un point de vue nostalgique et un peu ringard". "Un enfant doit avoir la capacité de lire un roman, un essai, un ouvrage polémique dans leur structure linéaire, pour entretenir et fixer son attention dans la durée. C'est fondamental, alors que tout l'encourage à la dispersion de son attention", insiste le professeur en sciences de l'éducation à l'université Lumière Lyon-2, également vice-président de la région Rhône-Alpes. Très engagé dans les débats autour de la pédagogie, il ne se >présente pas pour autant comme un opposant à la lecture sur support numérique, "complémentaire du papier, et bien adaptée à la consultation de documents. Le livre numérique présente ainsi cette fonction essentielle d'approfondissement de la connaissance sur des points spécifiques via les liens hypertextes. L'école doit donc aussi proposer des livres numériques, pour entraîner les élèves à l'entrée dans une pensée en réseau", ajoute Philippe Meirieu. "Les enfants d'aujourd'hui ont peut-être la chance d'être dans une époque où les deux formes de lecture peuvent cohabiter."

RESPONSABILITÉ PUBLIQUE

L'auteur de la Lettre à un jeune instituteur, récemment rééditée chez ESF où il est également directeur de la collection "Pédagogies", estime qu'il est du rôle de l'école de réconcilier avec le livre les élèves pour lesquels l'écrit est vécu comme un obstacle. Pour ce faire, il faut bien sûr qu'il y ait des livres à l'école, aussi bien des manuels que des usuels (dictionnaires, encyclopédies) ou des romans. Leur présence relève d'une responsabilité publique, mais Philippe Meirieu regrette à cet égard l'inégalité des écoles, dont les moyens dépendent de ceux des municipalités. "J'avais proposé un système de péréquation via un fonds commun de solidarité adossé à la Caisse des dépôts", rappelle-t-il, en regrettant de ne pas avoir été suivi. Il avait évidemment appuyé l'officialisation de l'entrée de la littérature jeunesse dans les programmes scolaires du primaire, en 2002, jugeant évident que le plaisir de la lecture est essentiel dans la motivation de son apprentissage. "Les tests de compétence ne prennent pas en compte la dimension de la sensibilité littéraire, ils ne mesurent qu'un savoir-faire technique, qui n'est pas toute la finalité de l'école."

Ancien directeur d'IUFM, institutions que les éditeurs scolaires ont longtemps dénoncées comme étant des foyers de formation au "photocopillage", il se dit aussi agacé par ce gaspillage de feuilles mal agrafées et mal utilisées, qui fait perdre la progressivité et la linéarité des manuels dont elles sont tirées, même s'il signale que les éditeurs ont parfois adopté des mises en pages pas si éloignées de la déstructuration qu'ils dénoncent par ailleurs. A l'heure où plusieurs polémiques éclatent de nouveau autour du contenu de ces manuels (voir p. 12), il rêve que les élèves d'une même classe travaillent avec tous les ouvrages publiés par les éditeurs, par exemple en histoire, "pour comparer leur traitement des faits, ce qui exigerait un travail pédagogique rigoureux", reconnaît-il.

26.10 2015

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