« La vie est ein Augenblick, l'irrégularité est sa seule règle. » C'est par « un matin d'hiver insipide » qu'un homme quitte la maison comme un voleur. Il laisse derrière lui une femme et leur enfant, marquées à jamais par cet événement. Plus la moindre trace de ce pilier qui les a abandonnées. « A 13 ans, j'étais devenue la fille d'un disparu. Mon père s'était évaporé. L'enfant ne grandirait jamais. » Vingt-trois ans plus tard, Ida retourne sur le lieu du « crime », sa maison d'enfance à Messine (Sicile). Elle y retrouve sa mère, avec laquelle elle a été si souvent en guerre, et ce passé qui n'a cessé de l'habiter. « La mémoire a de bonnes chaussures et une patience à toute épreuve », n'empêche qu'elle est susceptible de nous jouer des tours et d'être réécrite au gré de nos tourments.

« Les souvenirs n'existent pas, seules existent les obsessions. » Celle d'Ida étant de crever cet abcès rongeant. « Pendant toute ma vie, j'avais été la fille de l'absence de Sebastiano Laquidara. » On l'avait assignée au rôle de « gardienne de la dépression de [son] père, l'orageuse fille de [sa] mère ». Leurs relations sont restées houleuses car elles ont dû se construire avec un fantôme omniprésent. Comment le dépasser ? « Nous sommes tous fragiles, Ida, toi plus que les autres. Tu as permis à ta douleur de te dévorer. » Peut-être est-il temps de saisir pleinement le présent, en avançant avec ses plaies. D'une subtilité psychologique rare, Nadia Terranova trouve les mots justes pour décrire les drames cachés. Son roman évolue peu à peu vers la lumière. « On ne construit pas sa vie avec les restes. » Aussi Ida devra-t-elle comprendre que « le bonheur n'existe pas, mais il existe des moments heureux ».