A 14 ans, Paul Besson s'enfuit de l'internat où on l'avait placé, et débarque chez ses grands-parents maternels. Il habitera chez eux un an. « J'étais un fugueur précoce », commente l'intéressé. Une définition qui lui convient bien. D'une certaine façon, le fils de Patrick Besson et d'une professeure de lettres, a passé son temps à fuir les évidences, à interrompre puis reprendre le cours des choses (ses études de philosophie, son envie de théâtre), sans se fixer jamais. Un peu comme avec ses domiciles, pérégrinations qui constituent le fil rouge de Paris-Saint-Denis, son premier livre, autobiographique même s'il se veut un roman. « J'ai plein d'idées tout le temps, dit Paul. Au bout d'un moment, je m'ennuie et je m'en vais. »
Touche-à-tout
Philosophe intermittent, passionné de théâtre qu'il a commencé à pratiquer à l'âge de 11 ans (« Timide, hyper complexé, jouer sur scène a été une libération »), musicien : il a été le leader de plusieurs groupes de « chanson à texte », Les autres puis Double esquisse, début de carrière qu'il a arrêtée en 2015, à la mort de son grand-père (« Et j'en avais marre d'être le chef, de faire tenir une flamme vacillante »), la seule activité constante, depuis qu'il est tout gosse, de ce touche-à-tout doué, c'est l'écriture. Elle le tient debout, lui permet d'apaiser son rapport au temps (« Je suis très attentif aux réminiscences du passé, angoissé par le présent, et j'ai peur du futur »), voire d'économiser une analyse. « Je n'ai jamais voulu quelque chose de vraiment stable », conclut-il.
Il a toujours écrit, par plaisir de « raconter des histoires », de « dire ce qu'on voit ». Notamment un roman, dont il a perdu le manuscrit, inachevé, dans un bug informatique. Il en a été meurtri, ce qui ne l'a pas empêché de récidiver. A l'origine, Paris-Saint-Denis se présentait comme le journal de sa migration, avec sa compagne d'alors, Carine, « qui a été admirable », reconnaît Paul, de la banlieue sud à la banlieue nord, où se loger était moins onéreux. Au début, il a connu quelques appréhensions, puis s'est accoutumé. Une expérience de vie positive, qu'il raconte avec tendresse et empathie pour les Dionysiens, même s'il s'est toujours senti, là-bas, « en visite », différent, à cause de son éducation bourgeoise. « J'étais un mec paumé, émerveillé par ce qu'il voit. Et je devais dégager quelque chose de très doux. »
C'est son père qui lui avait conseillé de mettre tout ça par écrit. Puis, le manuscrit achevé dans sa première version, il l'a encouragé à le publier, sans le pistonner. On sent, chez le fils, de la tendresse pour ce père écrivain dont il a lu tous les (nombreux) livres. Paul envoie donc son manuscrit par la poste. Et obtient une unique réponse, de chez JC Lattès, où Anne-Sophie Stéfanini, qui se trouve être aussi la femme de Patrick Besson, est éditrice. Le texte est retravaillé, et Paul confie : « Ça m'a beaucoup appris », tout en redoutant un peu qu'on ne juge pas son livre pour lui-même. Un moment, il avait même envisagé de prendre un pseudonyme, puis non.
C'est sous son nom qu'il va continuer d'écrire, le seul projet qu'il ait mené jusqu'au bout. Il prépare même la suite de Paris-Saint-Denis, et a six autres livres en chantier, bien plus productif depuis qu'il ne se met plus la tête en fête tous les soirs. La fin de la fugue, peut-être.
Paris-Saint-denis
JC Lattès
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 18 euros ; 180 p.
ISBN: 9782709663281