L'auteur de bande dessinée, Nikita Mandryka s'est éteint, à l’âge de 80 ans, dans la nuit de dimanche à lundi, a annoncé son éditeur, Dargaud, dans un communiqué. Il avait été remarqué dès 1967 avec la série Le Concombre Masqué, publiée dans le magazine Vaillant. Il avait reçu le Grand Prix de la Ville d'Angoulême en 1994 et le Prix du patrimoine du Festival d'Angoulême en 2005 pour son personnage culte et absurde du Concombre masqué. Dargaud a tenu à rendre hommage à "un humour aussi décalé que décoiffant, un sens aigu de la dérision et de l'absurde, un langage réinventé, un délire contrôlé, un graphisme percutant, le tout parsemé de quelques réflexions philosophiques".
 

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— Editions Dargaud (@EditionsDargaud) June 14, 2021

Petit-fils d'un officier supérieur de la Marine russe chassé en Afrique du Nord par la Révolution de 1917, Nikita Mandryka est né à Bizerte en Tunisie le 20 octobre 1940. Il découvre sa vocation, le dessin, dès son plus jeune âge, en lisant Spirou du dessinateur Rob Vel. Quelques années plus tard, il monte à Paris pour étudier le cinéma à l'Idhec, mais opte finalement pour la BD. "Avec un papier, un crayon, et un pinceau, on fait soi-même son cinéma", disait-il, cité par les éditions Dargaud.

Un légume devenu star

A l'âge de 14 ans, le jeune Nikita Mandryka se lance dans son premier personnage qui le suivra toute sa vie, Le Concombre. L'idée d'un personnage aussi spécial lui vient, après la lecture de l'album Le Copyright de Jean Claude Forest, une bande dessinée sur un lézard magique tirant d'une poche une panoplie d'outils. Après plusieurs années de dessins, Le Concombre sort des cahiers de dessins pour finalement paraître en 1967 dans le magazine Vaillant. Ce personnage manie la langue comme Raymond Devos, habite un désert du bout du monde, regarde "la télédérision" et s'exclame "Bretzel liquide!", son expression favorite, dès que les choses partent de travers, c'est-à-dire tout le temps.

"J’ai repris certains mots russes qui me faisaient rire en les transcrivant plus tard de façon phonétique en BD. Je pense que c’est à partir de cet univers que j’ai inventé le mien, une façon de me sortir de la folie dans laquelle j’ai vécu mon enfance, de la maîtriser. Le Concombre est une BD thérapeutique, une analyse infinie" expliquait-il.

Après avoir quitté la revue Vaillant, il fonde en 1972 L'Echo des savanes avec les auteurs Claire Bretécher et Marcel Gotlib. Deux ans plus tard, il quitte sa revue et publie six albums chez Dargaud. Il finit par devenir devenir rédacteur en chef de Charlie Mensuel en 1982, puis de Pilote en 1983. Jamais bien loin de la bande dessinée, le dessinateur élargit son dessin vers la publicité. En effet, il publie Pas de sida pour Miss Poireau (Giphar) avec Claude Moliterni. Ensemble, le duo obtient le Prix Alfred de la communication à Angoulême en 1988.

Son personnage, Le Concombre masqué arrive chez Dupuis dans les années 1990, s'adapte en série animée 3D en 1993, et s'exporte sur les planches. En effet, il signe une adaptation théâtrale des aventures de son héros, avec sa femme Alicja Kuhn. Quatre ans plus tard, Nikita Mandryka obtient le Grand prix d'Angoulême. L'année suivante, il est célébré dans un album collectif, Tronche de Concombre, qui dépeint son « Concombre Masqué » du point de vue de 34 autres auteurs. Il relance son légume en 1995 avec un album, Les Inédits, pour finalement abandonner la bande dessinée pour quelques temps. En 1998, Mandryka devient l'un des pionniers de la BD sur internet, publiant des planches sur son propre site.
 

Enfin, le dessinateur revient dans les années 2000, avec deux tomes de la série Les Gardiens du Maser de Max Frezzato (éditions Caurette), avant de reprendre les rênes de son Concombre Masqué pour l'album Le Bain de Minuit (Dargaud, 2006). Son légume préféré a achevé ses aventures, avec, en 2017 Conc et Chou lanceurs d'alerte, et le 16 avril dernier du Concombre Masqué, la vie secrète du concombre masqué, tous deux chez Alain Beaulet.

Il a aussi signé récemment Tonflette et Glisette, deux fliip-books humoristiques (FLBLB) et plusieurs contes "zen" drolatiques (A. Beaulet).

"Son dessin ultra- dynamique et capable de tout lui a permis d’explorer comme personne d’autre l’absurde, le non- sens, la philosophie, le zen - sa dernière grande découverte personnelle après la psychanalyse. Sa compagnie passionnante, sa curiosité sincère et insatiable, son intégrité intellectuelle, tout en lui le rendait attachant…" explique Thomas Ragon, son éditeur chez Dargaud. "C'est absurde: Nikita Mandryka est mort".

Et comme l'auteur l'écrivait: "Ce qui me tue dans la vie, c'est la mort."