Lorsqu'on est petit, tout paraît grand. Puis arrive cette période charnière où on se sent enfin grandir, où on bascule de l'éternité de l'enfance au vertige du monde des grands auxquels on est censé appartenir. C'est la chute. On tombe de haut. On tombe amoureux aussi. Clara a rencontré un homme, de l'emprise duquel elle n'arrive pas à se défaire. Le désir l'a cannibalisée. L'homme, dont elle ne sait pas grand-chose hormis cet ennui existentiel qu'ils ont en partage, lui apprend tout, il lui enseigne surtout la douleur de la trahison. Sa meilleure amie, Chloé, n'est pas en meilleure posture. Elle se bat contre elle-même avec un corps trop maigre. On la fait hospitaliser. Les médecins lui disent que ça va aller, ses parents répètent la même chose : ça va aller. Mais, non, rien ne va, même si elle sort de la clinique. Parce qu'une fois dehors, le réel n'a pas changé. Alors Clara et Chloé décident de fuir leurs blessures, toutes deux partent cet été-là dans le chalet d'enfance de Clara dans la forêt, près d'un lac, dans leur province natale. Retourner à ce lieu qui les a vues grandir équivaut à une rédemption. Un retour du sens. À l'instar du chevalier Bédivère qui rend l'épée Excalibur à la Dame du Lac, les jeunes héroïnes du premier roman de Mikella Nicol, Les filles bleues de l'été, plongent leurs chagrins et leurs corps nus dans l'étale étendue d'eau qui jouxte la maison de vacances de Clara. Retrouver la nature, sa beauté sauvage, leurs propres peaux dévêtues des panoplies sociales, c'est pour Chloé et Clara recouvrer cette tendre sororité qui les lie depuis toujours, c'est restaurer leurs êtres qui ne font qu'un. Juillet puis août, la saison s'étire en une longue journée ensoleillée, les deux amies se baignent, rêvent, se donnent la main. L'été touche à sa fin, il faut pour clore cette retraite dans les bois faire une fête réunissant tous les copains. Voilà que débarque l'homme que Clara aimait. Il l'a retrouvée, celui qui n'avait pas pu choisir entre elle et l'autre femme. Il séduit derechef la nouvelle Clara rassérénée... Chloé voit tout. Clara sait le prix de la liberté.
C'est avec une incroyable justesse que Mikella Nicol restitue la lumière vibratile des amitiés fusionnelles de l'adolescence, la brûlure des premières amours. À travers une écriture ondoyante et sensuelle, où s'entrelacent les récits de Clara et de Chloé, ce n'est pas seulement l'environnement que la primo-romancière québécoise née en 1992 parvient à décrire de manière si poétique, mais encore toutes les sensations qui courent sur la peau des jeunes filles, les émotions qui mettent l'âme au diapason de l'absolu.
