Grands prix d'automne 2024

Miguel Bonnefoy, lauréat du grand prix du Roman de l'Académie française 2024

Miguel Bonnefoy sur les marches de la coupole de l'Institut de France. - Photo Olivier Dion

Miguel Bonnefoy, lauréat du grand prix du Roman de l'Académie française 2024

Le romancier âgé de 37 ans reçoit son premier Grand prix d'automne pour son roman Le rêve du jaguar paru chez Rivages.

Par Éric Dupuy
Créé le 24.10.2024 à 16h30 ,
Mis à jour le 24.10.2024 à 19h29

L'auteur franco-vénézuelien de 37 ans Miguel Bonnefoy a remporté ce jeudi le Grand prix du Roman de l'Académie française, selon les éditions Rivages qui ont devancé l'annonce de l'Académie française en partageant la nouvelle une heure avant la proclamation officielle des résultats.

Le romancier est couronné pour son 4e roman, Le rêve du Jaguar, paru aux éditions Rivages. Depuis sa parution le 21 août dernier, le titre s'est écoulé à près de 20 000 exemplaires, selon GFK.

Selon l'Institution, il a été élu au troisième tour d'un scrutin très serré avec 8 voix contre 7 pour Abel Quentin et 7 également pour Grégory Cingal. Les deux autres étaient finalistes de cette 109e édition du grand prix du Roman de l'Académie française pour leurs romans respectifs Cabane,  paru à L'Observatoire, et Les Derniers sur la liste chez Grasset.

Bameule Bonnefoy 2024 Grand prix de l'Académie française
Miguel Bonnefoy, lauréat du Grand prix de l'académie française 2024, célèbre sa récompense aux côtés d'Anne-Sylvie Bameule, présidente d'Actes Sud, propriétaire des éditions Rivages- Photo DR

Auteur d'une dizaine d'oeuvres depuis 2012, il a été sélectionné à de nombreuses reprises et a été primé plusieurs fois mais il s'agit de son premier couronnement à un Grand prix d'automne. Il succède à Dominique Barbéris, lauréate en 2023 pour son roman Une façon d'aimer, paru chez Gallimard. L'ouvrage a dépassé les 60 000 exemplaires écoulés en grand format.

Un voyage sensoriel

Dans ce roman de 304 pages imprimés à 25 000 exemplaires avant la mise en place, Miguel Bonnefoy retrace le destin de trois générations prises dans la tourmente du XXe siècle de part et d'autre de l'océan Atlantique, dans un style flamboyant et romanesque en diable. Dans son avant-critique parue dans Livres Hebdo, Laëtitia Favro a écrit : Dans une rue de Maracaibo, une fillette joue avec un camion en bois. Elle l'a d'abord fait rouler dans les couloirs de sa maison, puis sur les trottoirs et la place principale de la ville où sa mère l'arrête, « car elle semblait capable de continuer son chemin jusqu'à la frontière brésilienne ». Ce jour-là, Ana Maria comprend que sa fille « irait loin dans la vie, mais aussi dans le monde ». Née le 23 janvier 1958, jour de la chute du dictateur Marcos Pérez Jiménez, elle porte le nom de son pays : Venezuela. Un nom qui la reliera à ses racines quand, après avoir rêvé d'ailleurs et promené ses doigts sur les atlas familiaux, elle quittera Maracaibo pour Paris, où son fils Cristobal verra le jour.

Né d'une mère vénézuélienne et d'un père français, Miguel Bonnefoy fait voyager son lecteur entre les deux continents qui le constituent, au fil d'étourdissantes sagas familiales aux allures de contes immémoriaux, empreintes des impressions de son enfance entre Europe et Amérique latine. Dans Sucre noir (Rivages, 2017), une famille des Caraïbes voyait son existence bouleversée par la légende d'un trésor disparu. Héritage (Rivages, 2020) retraçait quant à lui la trajectoire de déracinés, des coteaux du Jura à Santiago du Chili. Dans Le rêve du jaguar, trois générations se réalisent dans une voie à laquelle leur naissance ne les prédestinait pas. Orphelin, le père de Venezuela est abandonné sur les marches d'une église, dans une rue qui bientôt porterait le nom d'un éminent médecin. Le nom d'Antonio Borjas Romero. Le sien.

Face au « minotaure terrifiant » de la dictature

Recueilli par une mendiante qui, inquiète à l'idée de le voir finir comme un voyou, l'exhorte à travailler plutôt qu'à voler, Antonio se propose comme homme à tout faire dans un bordel où débarque chaque jour une nuée de marins. Un soir, l'un de ces hommes tire de son gilet une machine à rouler des cigarettes, semblable à celle retrouvée dans les langes d'Antonio bébé. Le marin reviendra quelques semaines plus tard, « des colliers africains autour du cou » et une lettre qui allait changer la vie d'Antonio. Sans elle, Antonio n'aurait jamais fréquenté le collège ni rencontré Ana Maria. « Je ne me marierai qu'avec l'homme qui me racontera la plus belle histoire d'amour », le prévient-elle. Antonio, qui ne connaît rien à l'amour, s'installe alors dans le hall d'une gare routière, un panneau « J'écoute des histoires d'amour » devant lui. Il en collectera tant qu'il en viendra à se demander « s'il existait une seule histoire dans le monde qui ne fut pas d'amour ».

Confrontés au « minotaure terrifiant » de la dictature, engagés contre le régime de Marcos Pérez Jiménez, Antonio et Ana Maria deviendront de grands médecins et donneront naissance à une femme libre dont l'histoire s'écrira loin des siens. « Tu ne partiras que lorsque tu te libéreras du poids de l'or » prédit une voyante à Venezuela. Comme fondue dans le précieux métal, l'écriture de Miguel Bonnefoy invite son lecteur à un voyage sensoriel où légendes et mythologies familiales se mêlent aux révolutions du XXe siècle. Son roman est celui d'un orfèvre épris de romanesque pur, donnant matière à rêver.

Le grand prix du Roman de l'Académie française est doté de 10 000 euros. 

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