Sombre dimanche d’Alice Zeniter pourrait bien être le livre de l’été. Salué par la presse, ce livre de la rentrée littéraire de janvier atteignait un tirage modeste de 8 000 exemplaires avant l’annonce le 3 juin du prix du Livre Inter. Il en est désormais à 45 000 exemplaires. Outre une pluie d’articles élogieux (Le JDD, Le Monde, Libération, Télérama…) à sa parution le 3 janvier, le livre de cette jeune auteure de 26 ans a aussi récolté nombre de lauriers : le prix de la Closerie des lilas, le prix du Livre Inter et le prix des Lecteurs de L’Express. Il figure dans la sélection d’été du jury Renaudot.
Alice Zeniter entraîne le lecteur dans la Hongrie où elle a vécu, et alterne deux récits, la jeunesse de Pal dans une ville de Budapest envahie par les chars russes (1956), et l’adolescence de son fils, Imre, en 1989, au moment de la chute du mur de Berlin et de l’ouverture. La petite maison de bois cernée par les rails de chemin de fer de la gare Nyugati, portant sur son fronton le prénom des hommes de la famille - Imre -, et dont le grand-père ratisse le mini jardin pollué chaque nuit par les voyageurs, en est le fil conducteur. A cette chronique familiale avec ses secrets, sur fond de grande Histoire avec ses drames et ses violences, Alice Zeniter ajoute sa touche personnelle, des personnages modestes ballottés par la vie qui ne se révoltent jamais, et un beau portrait de l’adolescence, celle d’Imre et de son copain Zsolt (la sexualité, la peur des filles, les rapports familiaux), composée de rêves (les Californiennes) et d’occasions manquées.
Après un premier livre, publié à 16 ans chez un petit éditeur, les éditions du Petit Véhicule, qui a reçu le prix littéraire de la Ville de Caen, Alice Zeniter s’était fait remarquer avec Jusque dans nos bras, publié en 2010 chez Albin Michel (disponible au Livre de poche). Ambitieux et poétique, Sombre dimanche est empreint de douleur (les femmes en particulier ont un destin tragique) et de nostalgie. Sa leçon est dans l’acceptation, dans cette description d’un monde sans aigreur où on pardonne les égarements et la faiblesse des hommes - le grand-père qui se soûle tous les ans pour l’anniversaire de la mort de sa femme. Le livre sonne juste et touche ses lecteurs. <