Itinéraire d'un facho. Ancienne plume politique, auteur de plusieurs essais politiques et, en 2020, d'un faux discours de démission d'Emmanuel Macron (Fauves Éditions), le Basco-béarnais Mehdi Ouraoui demeure un passionné de la chose publique, qu'il mêle à un univers romanesque assez déjanté. Dans son épatant premier roman, Mon fantôme (Fayard, 2023), il ressuscitait le chanteur Rachid Taha pour une charge en règle contre l'extrême droite française menaçante. Il récidive aujourd'hui avec un roman au dispositif sophistiqué, un diptyque au lien assez lâche, centré autour de deux personnages d'extrême droite, l'un même carrément fasciste : Joséphine, blogueuse qui écrit de la New Romance, amante exigeante et militante du parti Eux ; et Franck Lavallière, copain d'enfance de l'auteur et narrateur Reda Saladdin. Lavallière, skinhead dans les années 1980, a gravi tous les échelons d'un parti d'extrême droite jusqu'à devenir député européen en 2019, mais, rattrapé par ses outrances, il est lâché par le parti lorsqu'il est convaincu de malversations dans l'affaire des assistants parlementaires, et est finalement déchu.

La première partie du diptyque est constituée d'une « nouvelle-poème » radiophonique de Reda Saladdin, diffusée sur France Inter à l'été 2024. Dans une prose orale, il raconte les mésaventures de Joséphine avec son amant Mehdi (qui était déjà le héros de Mon fantôme), un professeur de lettres classiques, traducteur d'Ovide, qu'elle tient sous son emprise sexuelle. Au fur et à mesure qu'il découvre les idées politiques et l'engagement à l'extrême droite de sa maîtresse, Mehdi voit son corps s'effacer morceau par morceau, jusqu'à une totale disparition.

Dans la deuxième partie, Franck, qui a entendu la pièce à la radio (« ton histoire de youtubeuse patriote qui baise avec un intello maghrébin ») contacte son copain Reda et le convoque chez ses parents à Biarritz afin qu'il écrive sa biographie. Durant plusieurs jours, il va lui raconter sa vie, son parcours de facho décomplexé, ses dérapages, sa fidélité à son président puis son rôle de pygmalion de la présidente, sa fille, dépeinte comme « nulle », espérant que tout cela fasse un livre. Mais l'éditeur pressenti refuse le projet. Le livre ne se fera jamais.

Dans l'épilogue, enfin, Mehdi débarque chez son créateur, Reda, l'engueule pour le rôle qu'il lui fait jouer dans cette histoire et débat avec lui du rôle de la littérature. Doit-elle distraire ou s'engager ? On imagine aisément de quel côté penche Mehdi Ouraoui.