Depuis le début, ils sont bien mal barrés, les derniers résidents du Camping de la Mouette. Et ça ne va pas aller en s’arrangeant. Le narrateur, mi-ironique, mi-bienveillant, de Festival, le deuxième roman après Cadence (Bourgois, 2009) du talentueux Stéphane Velut, le prophétise avec une certaine distance, prenant à témoin sans juger. "C’est dire si tout s’annonçait mal." Non loin de Cannes mais sur une côte d’Azur version populo, dans la caravane "Airstream modèle américain 1967" posée sur un terrain déclaré zone inhabitable, ça sent "quelque chose du terrier". Ceux qui l’habitent, la mère, Guitte, obèse qui consomme les soaps télévisés en intraveineuse, son fils Flink, roitelet de la zone, et sa "poupée de banlieue", Hélène, sont des gens "toujours collés au plus mauvais côté des choses". Ce qui ne les empêche pas de planifier le coup du siècle. Ce que Flink, le cerveau de l’opération, appelle "saisir l’occasion", soit profiter de la présence du gratin du cinéma mondial au Festival de Cannes. Un projet de casse en scooter avec remorque, flanqué d’associés qui ont plus de bonne volonté que d’expérience : Hélène gentille fille, raide dingue de "son Jésus" possessif. Et Meert, un orphelin rondouillard, "né dans le rang des couillons", figure d’innocent aux mains sales qui joue le fidèle complice sans poser de questions. Dans ce casting de relégués promus aux premiers rôles, pas de bandits magnifiques, de bad boys sulfureux. Ce sera plutôt un Ocean’s eleven du pauvre, avec des stars de plans glauques, dont les rêves englués dans la mouise finissent toujours par se terminer, de braquages foireux en minables cavales, à la case prison. Ou pire. Même si, sur ce terreau misérable, comme devant la caravane du Camping de la Mouette, des roses s’acharnent à fleurir.
Véronique Rossignol