Les femmes du roi podagre. À Mme de Staël lui demandant qui serait, selon lui, la femme idéale, Napoléon aurait répondu : « Celle qui fait le plus d'enfants. » Le prouvera le Code civil dont l'Empereur est l'éponyme instigateur : l'infériorité des femmes soumises à l'autorité du père et du mari est inscrite dans la loi. Une régression par rapport à la haute société de l'Ancien Régime, où se pratiquait la mixité des sexes et où l'influence féminine était considérable. Il s'agissait certes souvent de favorites du roi, on se souvient de la marquise de Pompadour ou de la comtesse du Barry, maîtresses de Louis XV, mais pas seulement... Les femmes de la noblesse en France, faute de porter la couronne, portaient parfois la culotte, régentant grâce à leur esprit et leur acuité politique un monde d'hommes. D'ailleurs, un homme bien né se devait d'avoir à ses côtés une femme, légitime ou non, mais toujours spirituelle et sagace.
À la veille de la Révolution, hormis Louis XVI fidèle à son épouse considérée frivole, les princes avaient tous une favorite. Même le gros comte de Provence, cadet du roi et futur Louis XVIII. Quoique réputé ne pas être un Casanova, voire impuissant, le futur monarque obèse et podagre (souffrant de la goutte) comme on disait à l'époque, premier souverain de la Restauration, eut notamment pour favorite la comtesse de Balbi... C'est à travers son entourage féminin que Matthieu Mensch dresse un fascinant portrait en creux de Louis XVIII. De sa mère la dévote Marie-Josèphe de Saxe à son épouse Marie-Joséphine de Savoie, ronde, brune et disgracieuse, « l'anti-Marie-Antoinette », à sa nièce Marie-Thérèse, « l'impérieuse presque reine », ou encore à sa dernière compagne Zoé Talon, la comtesse du Cayla, l'historien brosse une galerie de femmes qui « ont fait » ce roi. Guère proche de sa mère la Dauphine, jamais remise du deuil de son aîné - Louis XVI était également un cadet -, Louis XVIII une fois sur le trône ravive néanmoins sa mémoire. Clé de voûte de « cette politique lacrymale qui [lui] était chère » (les princesses de la maison de Bourbon érigées en saintes martyres), feu la Dauphine devient la « première figure féminine de l'hagiographie royale dont les vertus ruisselaient sur ses héritiers ».
Si la comtesse de Balbi est piquante, l'épouse de Louis XVIII n'est pas moins haute en couleur, disons, en camaïeu de tonalités sombres : noire de poil- la princesse est moustachue- et souvent grise, elle est alcoolique. Ce que réussit fort bien cette biographie indirecte est de dépeindre le malheur des grands sous emprise de leurs favoris et autres clients intéressés, et celui du plus grand d'entre eux : Louis XVIII. L'auteur gratte l'image du cynique monarque à la mémoire et à la taille d'éléphant que l'historiographie traditionnelle a laissée. Orgueilleux et blessé, Louis dit « le Désiré » ne le fut sans doute pas assez.
Les femmes de Louis XVIII
Perrin
Tirage: 2 200 ex.
Prix: 23 € ; 352 p.
ISBN: 9782262101138