« Ma mère était ciseaux et mon père, toile d'un jaune lumineux. » Ainsi parle l'étoile jaune « cousue à la place du cœur » et « première blessure » des Juifs sous le régime nazi. Elle raconte en quelques lignes le destin de dix personnages parmi les millions jetés dans les trains et broyés par la Shoah. Il y a là un enfant, une professeure, un rabbin, un fou, une violoniste... L'émotion ne bascule jamais dans le pathos, le texte pratique avec talent l'art de l'ellipse. L'enfant raconte ses jeux de cache-cache et de billes, et bientôt il dit salut à la compagnie et dans sa classe sa chaise demeure vide. Ailleurs, un libraire doit mettre la clé sous la porte : « Ma librairie ne peut être à moi, car je suis juif. » Quant à l'innocent, il ne savait même pas qu'il était juif, c'est la Shoah qui le lui a appris. Démuni, il ne comprend pas ce qui arrive et voit l'avenir comme « un bateau sans rames ». La violoniste, elle, joue une musique qui s'élève « sans une plainte ». La fillette, enfin, énumère à l'imparfait tous les joujoux qu'elle possédait mais c'est au présent qu'elle raconte un destin sans appel : « Ils m'ont donné une douche, je ne suis plus là. »

Si le texte crée l'émotion, que dire de l'image ? On déclare un véritable coup de palpitant pour l'illustration de Vittoria Facchini. Partout, l'étoile jaune transperce les pages et les cœurs, brillant dans la nuit des personnages inspirés à la fois de Chagall, de l'art brut et des dessins d'enfant. Bien mieux qu'un devoir de mémoire, une œuvre d'art !