La nouvelle directrice de la fiction française chez Denoël considère parfois les refus éditoriaux comme "le début d'une conversation". - Photo Olivier Dion
Marie Desmeures : l’ombre des génies littéraires (1/5)
Trophée de l'éditeur ou éditrice de l'année (1/5). Cette semaine, Livres Hebdo présente chaque jour un des nommés pour les Trophées de l’édition 2024 dans la catégorie éditeur ou éditrice de l’année. Aujourd’hui, Marie Desmeures, propulsée au rang de directrice littéraire de la fiction française chez Denoël, après vingt ans de découvertes littéraires pour Actes Sud.
Par
Elodie Carreira Créé le
07.01.2024
à 18h02, Mis à jour le 08.01.2024 à 10h47
Rue Saint-André des Arts, dans le 6ᵉ arrondissement de Paris, les bureaux de la maison Denoël cohabitent avec des piles de cartons débordant de manuscrits. Lorsqu’elle rejoint la maison en janvier 2023, Marie Desmeures, nouvelle directrice littéraire du catalogue de fiction française, a ajouté à ce joyeux bazar ses nombreuses plantes et ses feutres colorés. « Ces objets, c’est ce qui me définit », explique-t-elle, affichant un large sourire. Même après 24 ans passés chez Actes Sud, l’éditrice des auteurs à succès Kamel Daoud, Joseph Andras ou encore Jean Bofane, a encore le trac de l’interviewée novice, tapie dans l’ombre de ses auteurs.
« Au départ, je ne pensais pas à l’édition. Pour moi, c’était un monde inaccessible », se remémore celle qui, très tôt, dévorait les livres et rêvait de devenir écrivain. Après des études de lettres et finalement un master d’édition, Marie Desmeures obtient un stage chez Actes Sud, dans la collection théâtre. C’est à Arles qu’elle devient assistante éditoriale puis éditrice de fiction française, un genre qui, selon elle, permet de « sortir de soi et de voir par les yeux de quelqu’un d’autre ».
L’aventure Actes Sud
Pendant 24 ans, Marie Desmeures y multipliera les grandes découvertes littéraires dont Kamel Daoud (Mersault, contre-enquête, Goncourt du premier roman 2015), Joseph Andras (De nos frères blessés, Goncourt du premier roman 2016, dont la distinction a été refusée par l’auteur), Anne Collongues (Ce qui nous sépare, 2018), Alexandre Lenot (Écorces vives, 2018), mais aussi Aki Shimazaki, Claudie Gallay ou encore Jean D’Amérique. Presque tous sont des auteurs binationaux ou n'ont pas le français comme langue maternelle. Et c'est justement leur usage singulier de la langue française, « mâtinée d’influences extérieures », qui a souvent chahuté et séduit leur éditrice. C'est aussi grâce à eux qu'elle a appris à devenir « une accompagnatrice et une compagne », comme elle aime le dire, « qui rassure l’auteur, parie sur la suite et sait trouver la juste présence pendant et entre deux livres ».
Justement, après deux décennies à Actes Sud, l’éditrice s’interroge. S’est-elle interdite de publier certains textes pour coller à la ligne éditoriale de la maison arlésienne ? « J’avais fini par m’ennuyer un peu. Je connaissais tous les rouages d’Actes Sud. Je savais aussi que j’avais une fenêtre de tir d’environ six ans avant de ne plus intéresser aucune maison et j’étais curieuse de savoir quelle éditrice je pouvais être ailleurs », détaille-t-elle.Après un bref passage chez Le Bruit du Monde en 2021, où elle découvre notamment Sara Mychkine, la défricheuse de talents est finalement débauchée par la directrice de Denoël, Dorothé Cunéo.
« J’étais curieuse de savoir quelle éditrice je pouvais être ailleurs »
À son arrivée, le programme de la maison est déjà bouclé, alors la nouvelle directrice littéraire fait le point. Aujourd’hui, elle doit non seulement s’illustrer par son redoutable flair, mais aussi chapeauter la collection et rééquilibrer les découvertes et les premiers romans. Sa toute première rentrée chez Denoël s’ouvre donc, dès le mois de janvier, sur les étonnantes perceptions de Sophie Vandeveugle, primo-romancière et autrice de Feu le vieux monde, mais aussi sur Cartographie d’un feu de Nathalie Démoulin, Arctique solaire de Sophie Van Der Linder ou encore Face à la pente de Cécile Reyboz, prévu en mars prochain.
L’Editrice ou l’Editeur de l’année
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Par
Élodie Carreira
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