Bon les amis, je crois qu'il est grand temps de se remettre au travail. J'espère que vous avez passé un bon été, même si ne pas avoir de mes nouvelles a du considérablement amoindrir vos plaisirs ensoleillés. J'ai reçu tant de courriers d'internautes dépressifs, errant comme des âmes sans souris, sur d'autres blogs, à la recherche de quelque erzast de moi. En vain. Alors me voilà de retour, moi le paresseux du blog, le mollasson de la chronique. Bon, c'est une entrée en matière un tantinet grandiloquente. Le genre d'opération qu'il faudrait éviter, surtout quand on a une fâcheuse tendance à s'éparpiller après, à ne donner que des bribes, à frôler une certaine médiocrité. Faudrait pas que je vous habitue à une sorte d'énergie surjouée, un mensonge qui se fracasserait dès mi septembre sur une absence… toujours pour en revenir à la même situation : ma capacité à décevoir. Je vous passe les détails d'un écrivain trentenaire qui s'apprête à publier son septième roman, et dont la première pièce va être jouée. J'ai toujours la tête dans le futur. Toujours dans un projet lointain. Mais il faut dire que, cet été, cette belle dynamique de l'après s'est effondrée à cause d'un problème technique. Mon ordinateur Mac est mort, subitement. Et impossible de récupérer mes données, et notamment quelques nouvelles écrites pour un recueil. J'ai végété dans un coma pendant quelques jours, trouvant tout de même, dans ma léthargie, quelque force pour fomenter un attentat au siège d'Apple. Beaucoup de Mac plantent en ce moment, il faut créer un mouvement. Faire quelque chose. C'est la pire chose pour un écrivain… mais bon, je sais, c'est de ma faute. Il fallait sauvegarder, tout le monde me le dit. Mais sommes-nous devenus que des machines à nous sauvegarder ? Nous copier, nous ranger, nous mettre sur des clés USB. Je suis désolé, mais ce n'est pas mon boulot. Moi j'écris, et mon ordinateur est censé tout bien conserver. Il y a comme un pacte qui vient de briser, une déchirure irrémédiable entre la technologie et moi. Je fantasme à nouveau sur des machines à écrire, des Remington portatives comme dirait Gainsbourg, ces machines fidèles et éternelles. Alors j'ai lu. Et oui, que faire d'autre ? J'ai lu un livre formidable. Les entretiens avec Woody Allen, parus chez Plon. Un livre formidable. Il s'agit d'une suite d'interviews qui se prolongent sur trente ans. Ainsi on peut voir la pensée du maître évoluer au fil de ses expériences. C'est un livre passionnant, technique, où Woody Allen prend le temps de parler du montage, de l'écriture, du casting, de la façon d'utiliser la musique. Et surtout, en toile de fond, sa façon incessante de botter en touche son génie. Sa façon, tout de même fatiguante, de se minimiser. Le plus drôle vient de révélation de la clé de tout son travail : la paresse. Voilà une phrase fabuleuse qui résume tout : « J'aimerais bien faire un grand film à condition que ça n'interfère pas avec ma réservation pour le dîner ». A propos de cinéma, deux films que j'ai adorés cet été. Tout d'abord « Bons baisers de Bruges », d'une inventivité et d'une poésie rares. Surtout au niveau du ton, qui balance sans cesse du burlesque au réaliste. Et enfin, le bijou de mon juillet, « Le premier jour du reste de ta vie ». Assurément, le film français de l'année. On verra aux César !… J'ai trouvé que ce film était une sorte de perfection rare, dans l'écriture, l'interprétation, le montage (et cette façon de ne jamais filmer les moments majeurs d'une façon frontale, mais toujours sur l'à-côté, presque en biais, comme pour se focaliser sur les souffles et non les paroles)… Et à propos de souffle, l'avant-dernière scène du film, si belle que j'aurais voulu que le film se termine ici… au moment où Zabou est dans la voiture à humer l'air de Jacques Gamblin… quelle idée… si magique…. C'est certain que Rémi Bezançon n'a pas du travailler sur un Mac…