Les travaux se poursuivent aux abords de l’Olympia Hall de Londres où se pressent des milliers de professionnels du livre venus du monde entier ce mardi 11 mars pour l'ouverture de la Foire internationale du Livre. Il est difficile pour eux d'éviter les travaux dehors, et difficile d'éviter tout comme il est difficile de passer à côté de l’intelligence artificielle à l’intérieur, tant le sujet anime les discussions et se retrouve dans une grande partie des talks et conférences.
S’il est désormais incontournable dans toutes les manifestations professionnelles mondiales, le sujet de l'IA est particulièrement inflammable sur les bords de la Tamise depuis décembre dernier. Pendant les fêtes de fin d'année, le gouvernement britannique a publié des propositions visant à assouplir les règles du droit d'auteur et ainsi encourager l'investissement des entreprises d'IA sur son territoire. Le but : attirer des acteurs majeurs de l'IA outre-Manche, alors que l'économie britannique traverse une période de ralentissement.
Ces propositions ont suscité une levée de boucliers de la part des éditeurs et des créateurs de contenus, qui considèrent que l'utilisation d'œuvres protégées sans autorisation pour entraîner des modèles d'IA constitue une forme de vol et une menace pour l'industrie créative. « Ce que font ces entreprises d'IA, c'est du vol pur et simple », déclare à Livres Hebdo Claudia Catelin, responsable des affaires publiques de l'Association des éditeurs britanniques (Publishers association).
La riposte des éditeurs
L’organisation représentant les éditeurs s'est rapidement mobilisée pour contrer ces propositions. Elle rappelle que les industries créatives représentent à elles seules 124 milliards de livres sterling et qu'elles constituent un pilier de l'économie britannique. Selon l'organisation, le droit d'auteur est un moteur essentiel de la création, en garantissant aux auteurs et à leurs partenaires une juste rémunération. « Le droit d'auteur n'est pas un obstacle à l'innovation, c'est un moteur de la créativité », insiste Claudia Catelin.
L'Association plaide pour l'instauration de mesures de transparence qui obligeraient les entreprises d'IA à divulguer les sources des contenus utilisés dans l'entraînement de leurs modèles. Sans ces mesures, il est presque impossible pour les titulaires de droits de vérifier si leurs œuvres ont été exploitées illégalement. « Les éditeurs et les créateurs ne savent même pas quelles œuvres sont utilisées pour entraîner ces modèles d'IA. Ce manque de transparence est inacceptable », ajoute-t-elle.

La Foire du Livre, un levier d'influence
En parallèle, l'Association met en avant le modèle des licences comme solution équilibrée : plusieurs maisons d'édition ont déjà signé des accords avec des entreprises technologiques, leur permettant d'accéder à des contenus de manière légale et éthique. « Le modèle de la licence fonctionne. Il assure une juste rémunération aux créateurs et garantit un accès légal aux données pour les entreprises d'IA », explique Claudia Catelin.
La Foire du Livre de Londres offre une plateforme idéale aux éditeurs pour faire entendre leur voix. L'Association des éditeurs y tient un stand sur lequel elle diffuse son plaidoyer et sa réponse officielle aux propositions du gouvernement. La présence de grandes figures culturelles comme Paul McCartney et Elton John, qui ont publiquement dénoncé les risques de la dérégulation, contribue à donner une résonance médiatique à ce combat. « Nous voulons rappeler à tout le monde que le Royaume-Uni est un pays où le droit d'auteur doit être respecté et défendu. C'est ce qui fait notre force », souligne Claudia Catelin.
Un enjeu au-delà des frontières britanniques
Cette bataille autour de l'IA et du droit d'auteur ne concerne pas uniquement le Royaume-Uni. L'Union européenne a déjà adopté une approche plus protectrice en matière de régulation de l'IA, et de nombreux acteurs du secteur appellent Londres à s'inspirer de ce modèle.
Ce jeudi, au dernier jour de la Foire, la ministre de la Culture britannique, Lisa Nandy, doit se rendre à l’Olympia Hall. L’occasion pour la profession de faire entendre ses messages.