Ce chaperon issu de Binche, en Belgique, n’est qu’un lointain cousin de celui de Perrault. D’abord, c’est un petit garçon. Nulle cape ni chapeau rouge, mais un simple bob blanc où il est écrit "Chaudfontaine" (l’Evian locale). Les rôles secondaires sont eux aussi masculins : un père et un Père-Grand, qui ne vit pas dans une masure paumée dans la forêt mais dans une baraque à frites, "à côté du carrousel sur la Grand-Place". Mais le plus croustillant, c’est la langue. Un belge truculent, goûteux et imagé à souhait. Ainsi le Petit Chaperon belge n’est pas "le plus joli qu’on eût su voir", mais un vrai petit "zinneke" (un chien bâtard). "Va voir ton Père-Grand tantôt, apporte-lui ces pots de sauce lapin et donne-lui une baise de ma part", lance le père au fiston qui aussitôt grimpe sur son vélo à petites roues. En passant près d’une pompe à essence, il rencontre le loup, goguenard sur sa superbe Harley. "Biesse" (imbécile-couillon), il lui lâche l’adresse du Père-Grand. On connaît la suite : pendant que le Petit Chaperon "cueille des pissenlits et des trucs ainsi", le loup dévore l’aïeul en moins de nonante secondes… Morale du conte : "C’est toudi les p’tits qu’on spotche" (c’est toujours les petits qui se font avoir). Coup de maître pour Camille de Cussac qui signe ici son premier album. Les dessins sont tordants, joyeux et colorés, et les trognes impayables, celle du grand loup désinvolte et tout vert ou celle du papa très beauf avec ses pattes et son tee-shirt à l’effigie de Johnny. Le CD qui accompagne l’album est lu avec plusieurs accents belges : Liège, Bruxelles… Cerise sur le gâteau ou mayonnaise sur la frite ! Fabienne Jacob